Juste, tout juste, au juste, justement.
Réflexions sur quelques adverbes et
locutions adverbiales du français,
leur sens, leur emploi et leurs correspondants en allemand

Serge L. Gouazé (Valenciennes, France)
Pierre Brochant : Il s'appelle Juste Leblanc.
François Pignon : Ah bon, il a pas de prénom ?
Pierre Brochant : Je viens de vous le dire : Juste Leblanc.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Leblanc, c'est son nom, et c'est Juste, son prénom.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François,
c'est juste ?
François Pignon : Oui…
Pierre Brochant : Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste.
François Pignon : …
(Thierry Lhermitte, Jacques Villeret, Le Dîner de cons (1998), Film écrit
et réalisé par Francis Veber)

Résumé
Bien que ni grammairien, ni linguiste, ni didacticien et pas même romaniste, puisque germaniste « civilisationniste », mais voulant apporter néanmoins mon écot à cette manifestation en l’honneur de celui qui fut mon mentor et ami, je propose ici quelques réflexions - plus pratiques que théoriques - en lien avec plus de 40 années d’expérience d’enseignant de langues à des étudiants allemands et français. Elles concernent ces petits mots de communication que sont les particules modales. Dans la langue française, une langue pauvre en particules comparativement à l’allemand, les diverses fonctions séman­tiques ou pragmatiques que les particules modales remplissent en allemand doivent forcément être réalisées par d’autres moyens. Si je laisse de côté la solution de la Nullentsprechung, comblée en partie par l’intonation ou la place du mot dans la phrase, restent celles du recours à des particules modales comparables, lesquelles cependant - lorsqu’elles existent - se laissent plus difficilement regrouper en sous-ensembles morpho-syntaxiquement homogènes. Largement plus nombreuses en allemand qu’en français, les particules modales ont été répertoriées de manière quasi exhaustives, par les germanistes, et notamment par des germanistes français, sous la dénomination d’« invariables diffi­ciles » lesquels recouvrent « les particules, les connecteurs, les interjections et autres mots de la communication». M’adressant ici à un public composé majoritairement de romanistes, j’ai abordé - quitte à mettre la charrue avant les bœufs - le problème par l’autre bout, celui des adverbes et locutions adverbiales, servant en français à traduire certains de ces « invariables difficiles ». En français, ils ne sont pas en soi difficiles, mais précisément parce qu’ils n’appartiennent pas à des sous-ensembles homogènes, ils sont sujets à difficultés et donnent traditionnellement lieu à des confusions pour les appre­nants, notamment les étudiants romanistes. J’ai pris, à titre d’exemple, des « familles » d’adverbes et de locutions adverbiales telles que : juste, tout juste, au juste et justement.

1 Remarques liminaires
J’ai fait la connaissance de Hartmut Kleineidam en octobre 1970, lorsque je suis arrivé à Bochum sur mon poste de lecteur de français à l’Institut d’Etudes romanes de l’Université de la Ruhr. Il était alors Akademischer Oberrat, chargé notamment de l’organisation de l’enseignement de la Sprachpraxis Französisch pour la partie de la langue écrite. Le dépoussiérage et la restructuration de l’ensemble de l’enseignement de la grammaire française pour romanistes débu­tants, en plusieurs blocs distincts, sous l’appellation très moderne et nouvelle à l’époque de Morphosyntax A, B et C assurés de concert par des enseignants-grammairiens / linguistes ou didacticiens allemands et des lecteurs de français, locuteurs natifs, ont été son mérite. Je suis allé, tout récemment, par curiosité, faire un tour sur le site internet de l’Institut d’Etudes romanes de la Ruhr-Universität Bochum, et j’ai constaté que le découpage proposé, il y a plus de 40 ans, par Hartmut Kleineidam existe toujours, inchangé.
C’est à lui également que revient, dans le même registre, le mérite de l’élabora­tion d’une typologie des textes, à la fois simple et cohérente pour les épreuves de traduction depuis la Hauptstufe jusqu’au Staatsexamen, avec la distinction faite entre : narrative, literarisch-expositorische et landeskundlich-expositorische Texte et toutes les conséquences qui en découlent, en matière de corrections notamment, moyennant l’élaboration d’une typologie des fautes.
La morphosyntaxe du français nous a rapprochés, Hartmut Kleineidam et moi-même, sur le plan professionnel. J’avais assisté à la genèse de sa Französische Synonymik parue en 1972 et j’ai eu l’honneur de travailler avec lui à un ouvrage d’exercices pratiques de grammaire pour l’enseignement du français dans le supérieur : Übungen zur Morphosnytax des Französischen, paru chez Hueber en 1976.
Hartmut Kleineidam a été pour moi le premier romaniste allemand à concevoir l’utilité et la nécessité pour des ouvrages pratiques d’apprentissage du français de recourir à des textes qui ne soient pas majoritairement littéraires (narratifs-fictionnels ou expositifs), mais qui fassent une large place à des textes à carac­tère civilisationniste, ce qu’en Allemagne, on appelait toujours avec un peu de condescendance la Landeskunde. Ce n’est pas un hasard que l’institut d’Etudes romanes de la Ruhr a été le premier à ma connaissance, et longtemps le seul, à introduire pour l’épreuve de thème du Staatsexamen la possibilité de choisir un texte dit landeskundlich-expositorisch à caractère politique, économique ou social, extrait soit d’un article de journal, d’une revue ou d’un ouvrage scientifique.
La curiosité que nous avions l’un et l’autre pour les langues étrangères, lui pour le français, moi pour l’allemand, et une sorte d’émulation réciproque prenant souvent une forme ludique : « Wie sagt man auf Französich : das Bindegewebe reicht bis zum oberen Rippenbogen »: Réponse : « le tissu conjonctif arrive jusqu’à l’arc costal supérieur », cette complicité nous a rapprochés encore davantage et nous nous sommes rapidement véritablement liés d’amitié.
Que nous fussions à l’époque tous les deux membres des jurys de français des examens de Traducteurs et Interprètes de la Chambre de Commerce et d’In­dustrie de Düsseldorf a été l’occasion de nous rencontrer régulièrement trois ou quatre fois par an en plus des rencontres privées à Dortmund ou à Bochum, et ce même après sa nomination sur une chaire de langue et de linguistique du français en 1976 à Dortmund, puis sur une chaire de grammaire et linguistique romanes à l’université de Duisburg en 1980, tandis que moi-même, germaniste de formation, je retournai à mes premières amours, en étant recruté par le ministère de l’enseignement supérieur en France, à l’université de Valenciennes sur un poste, à l’époque, de maître-assistant de civilisation allemande contem­poraine.
Pour le présent symposium organisé par Thomas Tinnefeld - que je tiens à remercier et dont je salue l’initiative - en l’honneur de Hartmut Kleineidam, à l’occasion de son 75ème anniversaire, j’aimerais apporter mon écot à celui qui a été mon mentor et ami. Malheureusement je ne suis ni grammairien, ni linguiste, pas même romaniste, si bien qu’en désespoir un peu de cause, je ne puis proposer que quelques réflexions - plus pratiques que théoriques d’ailleurs - en lien avec 30 années d’expérience d’enseignant de langues à des étudiants allemands ou français. Elles concernent notamment ces petits mots de communication invariables qu’en allemand, on appelle Abtönungspartikeln, Einstellungspartikeln ou Modalpartikeln et en français les particules modales.
Dans la langue française qui fait partie des langues pauvres en particules - je fais abstraction des particules dites d’articulation ou marqueurs du discours tels que bon, bien, alors etc. et qui sont propres à la langue parlée (Gülich 1970) - les multiples fonctions sémantiques ou pragmatiques que les particules modales remplissent en allemand doivent être réalisées par conséquent par d’autres moyens. Si je laisse de côté la solution de l’omission délibérée ou de la non traduction (die Nullentsprechung), comblée en partie ne serait-ce que par l’intonation ou la place du mot dans la phrase, reste celle du recours à des parti­cules modales comparables - lorsqu’elles existent - mais qui surtout se laissent plus difficilement regrouper en sous-ensembles morpho-syntaxiquement homo­gènes.
Largement plus nombreuses en allemand qu’en français, les particules modales - Jean-Paul Confais et François Schanen (1986) les appellent des particules illocutoires et perlocutoires - ont, après les travaux de pionnier de Harald Weydt (1969), fait l’objet, en toute logique, pour l’allemand d’analyses systématiques et ont été répertoriées de manière quasi exhaustive - y compris dans des approches contrastives - par les germanistes et notamment par les germanistes français, je pense aux travaux du groupe de lexicographie germanique de l’université de Nancy II (Metrich, Faucher, Courdier 1995), sous la dénomination plus globale d’« invariables difficiles », lesquels recouvrent « les particules, les connecteurs, les interjections et autres mots de la communication. »
M’adressant ici à un public composé majoritairement de romanistes, je vais aborder le problème par l’autre bout, celui des adverbes et locutions adver­biales, servant en français à traduire certains de ces invariables difficiles et qui, précisément parce qu’ils n’appartiennent pas à des sous-ensembles homogènes, sont sujettes à difficultés pour les apprenants, qu’il s’agisse d’étudiants alle­mands ou français. Je prendrai à titre d’exemple les adverbes et locutions adver­biales juste, tout juste, au juste et justement.

2 L'adverbe juste
Commençons par l’adverbe juste. Nous avons voulu établir une liste aussi complète que possible1, sachant bien que nous nous limiterons aux emplois adverbiaux. Il nous faut distinguer d’abord juste au sens de :
  • conformément à la justice ou à la vérité : juger juste
  • conformément à la réalité, sans erreur : raisonner juste (≠ faux)
  • avec justesse, exactitude, précision, rigueur, y compris les acceptions spécifiques dans les arts (musique, théâtre ou dessin): chanter juste, jouer juste, dessiner juste.
Ces trois premiers emplois correspondent aux différents sens de juste, forme adjectivale en fonction adverbiale, ne posent en soi pas de problème, sauf, peut-être, lorsqu’il s’agit de les traduire en allemand, et c’est alors une difficulté purement sémantique: gerecht urteilen, richtig argumentieren, genau rechnen, mais aussi scharf kalkulieren, notengetreu singen , naturgerecht zeichnen etc.
Je m’intéresserai davantage aux emplois suivants de juste :
L’emploi de juste 42, synonyme de précisément, exactement, marque une coïncidence, une corrélation - exemple : c’est juste le contraire, et ce en particulier dans son emploi dans l’espace et dans le temps :
  • dans l’espace :
elle était assise juste à côté de, juste devant, juste derrière moi
'sie saß unmittelbar neben, vor oder hinter mir'

j’habite juste en face
'ich wohne direkt gegenüber'

juste entre les deux yeux 
'genau zwischen die Augen'
Pas de difficulté particulière, sauf à considérer que juste se rend par unmittelbar, direkt, ou genau.
  • dans le temps :
juste à ce moment
il est six heures juste
il est juste six heures
juste avant
juste après
il y a juste 8 jours
Dans cet emploi juste peut être spécifié par tout . Tout ne modifie pas vraiment le sens mais apporte une dimension subjective. La différence est ténue mais apparaît assez bien dans :
il est 6 heures juste
ou bien
il est juste six heures
qui signifient :
il est exactement 6 heures ou il est 6 heures pile (fam.) ('es ist genau 6 Uhr' ou 'es ist Punkt sechs')
et
Qu’est-ce qu’il te prend de me téléphoner à une heure pareille ? il est tout juste six heures (= il est à peine 6 heures, es ist gerade erst sechs)
Jean Christophe Anscombre (1995) a mené une étude de tout combiné à divers adjectifs dont il ressort que cet adverbe est associé à l’expression de propriétés extrinsèques « subjectives ». Dans ton café est tout froid, froid dénote une quali­té résultant de facteurs extérieurs, il inclut un point de vue sur le constat, signi­fiant que le locuteur ne pensait pas avoir servi un café à peine chaud dein Kaffee ist ja ganz kalt ou bien ton café est tout juste chaud signifie qu’ il est tiédasse : dein Kaffee ist gerade noch warm.
Les emplois de juste 5 et 6 comportent « une valeur restrictive » et traduisent une immédiateté, synonyme plus ou moins de hâte ou de précipitation, ou bien s’oriente vers une conclusion, quel que soit le contexte, plutôt négative (Ducrot 1972). Si on a (tout) juste le temps, c’est qu’on n’a pas une minute à perdre, si l’on a (tout) juste de quoi vivre, c’est que l’on a du mal à joindre les deux bouts, si l’on arrive (tout) juste à se tenir debout, c’est que l’on a du plomb dans l’aile, si l’on est (tout) juste bon à quelque chose, c’est que l’on est passablement limité dans ses capacités (Leeman 2004: 17f). Dans cet emploi, juste est paraphrasable par à peine et peut être spécifié par tout sans changer véritablement de sens, hormis la dimension subjective :
Il vient juste de partir et il vient tout juste de partir.
Mais comparez :
je viens juste de me lever
et
je viens tout juste de me lever. - 'Ich bin gerade aufgestanden.' et 'Ich bin gerade erst aufgestanden.'
Pour Claire Blanche-Benveniste (2001: 68f) qui a étudié juste et plein dans un corpus relevant proprement de la langue parlée, l’intensif tout juste contri­buerait à infléchir la signification du côté négatif de à peine, pas vraiment, et elle cite les exemples :
Son petit-fils était tout juste en train de se réveiller.
A vingt-quatre ans, Aznavour, on sait tout juste qui c’est.
On retrouve la connotation négative. Dans ces exemples, tout juste apporte une spécification au verbe, aspectuelle dans le premier cas, quantitative dans le second. Dans le premier exemple, il s’agit de l’emploi de juste dans son utili­sation temporelle (je viens tout juste de me lever). Le second exemple, où juste apporte une spécification graduelle, nous paraît plus intéressant pour notre propos :
Als Aznavour 24 war, wusste man gerade mal, wer er war.
La différence entre les deux emplois de juste se constate au changement de sens qui affecte juste en rajoutant tout :
Paul est juste un ami
et
Paul est tout juste un ami.
Dans le premier cas, juste porte sur le prédicat être un ami et précise le statut de Paul par rapport à d’autres statuts imaginables: Rassure-toi ce n’est pas mon amant ! Paul est juste un ami.  ('Paul ist bloß / nur ein Freund').
Dans le second cas, juste ne porte que sur le prédicat ami. Tout juste un ami signifie que quelqu'un mérite à peine le nom d’ami ('Paul ist so gerade noch ein Freund').
Il s’agit là d’un emploi « atténuatif » de l’adverbe juste qui consiste en quelque sorte à minimiser le contenu d’un énoncé par rapport à ce que le locuteur pourrait éventuellement comprendre. Cette minimisation, loin d’être négative, vise au contraire à amener le locuteur à une conclusion positive. Danielle Leeman (2004: 19) parle d’une « orientation argumentative » de juste et même, plus spécifiquement, d’inversion argumentative. Nous aurons l’occasion d’en reparler à propos de justement
L’emploi de « juste » 7 est celui d’un adverbe d’énonciation fonctionnant comme modalisateur : moyen pour le locuteur de minimiser pour l’interlocuteur la por­tée de l’énoncé. Mis en lumière par Danièle Leeman (Leeman 2004: 20) à partir de l’exemple :
    Mais qu’est-ce-tu fais ? - 'Wo bleibst du denn?'
    Je ferme juste les fenêtres. - 'Ich mach’ bloß (noch) die Fenster zu.'
En répondant simplement : je ferme les fenêtres, B pouvait craindre que A pense qu’il avait encore un bon moment à prendre son mal en patience. L’ajout de l’adverbe juste permet de minimiser la portée de l’action et donc d’anticiper la conclusion négative que l’on aurait pu en tirer autrement. Et Danièle Leemann étaye son raisonnement sur les exemples donnés par Hava Bat-Zeev Shyldkrot (2001: 11f) :
    Je vais juste au cinéma (au sens : je ne fais pas grand-chose, mon seul loisir, c’est d’aller au cinéma).
Il a juste pris 3 pommes (au sens : il n’a rien fait d’autre que prendre 3 pommes)
Il a juste une voiture (au sens : son seul luxe est d’avoir une voiture).
Les énoncés s’inscrivent dans un contexte de dénégation de ce que pourrait dire ou penser l’interlocuteur.
Reprenons les exemples précédents :
Contrairement à ce que tu pourrais croire, (je ne passe pas mon temps dans les boîtes de nuit), je vais juste au cinéma. ('Ich gehe gerade mal ins Kino.')
Ne dramatisons pas : il a juste pris trois pommes (il n’a tué personne, il n’a pas attaqué une banque). ('Er hat gerade mal drei Äpfel mitgehen lassen.')
Il ne roule pas sur l’or, comme tu l’imagines, il a juste une voiture. ('Er leistet sich gerade mal ein Auto.')
Juste, dans cet emploi, peut-être associé à tout (tout juste) et est toujours susceptible de l’emphase : c’est tout juste si ………('gerade noch, gerade mal…') :
C’est tout juste si je vais au cinéma, de temps en temps.
C’est grave ce qu’il a fait. Tu parles : c’est tout juste s’il a pris trois pommes.
Tu parles d’un train de vie dispendieux !C’est tout juste s’il a une voiture.
Alors qu’on ne dirait pas :
* C’est tout juste si je ferme les fenêtres.
ou alors avec une différence notable de sens :
J’ai dû quitter la maison précipitamment. C’est tout juste si j‘ai fermé les fenêtres. Ich musste das Haus Hals über Kopf verlassen. Ich habe gerade mal noch die Fenster geschlossen.
Ce qui distingue les trois premiers exemples de celui-ci, c’est que je ferme juste les fenêtres est considéré uniquement sous l’aspect temporel de la durée et signifie : 
Laisse-moi (juste) encore le temps de fermer les fenêtres .
Idem pour :
J’ai dû quitter la maison précipitamment. J’ai tout juste eu le temps de fermer les fenêtres.
Dans une phrase comme: Je passe juste dire bonjour, l’adverbe juste signifie que mon intrusion n’est que ponctuelle, qu’elle ne va pas durer et que je n’ai aucunement l’intention de m’incruster. Comme le fait remarquer Daniele Leeman 2001:19), la restriction ne porte pas sur le contenu du dit mais sur l’effet qu’il peut produire. Juste est là pour anticiper ce que l’interlocuteur peut penser et éventuellement craindre de ma démarche. Si téléphonant à quelqu’un, je commence après m’être présenté, par : Je t’appelle juste pour avoir de tes nouvelles, l’initiative de ma prise de contact, étant susceptible d’être ressentie comme de l’indiscrétion, comme un empiètement mal venu sur le privé, une « invasion territoriale » dans la terminologie d’Erwing Goffman (1974: 65), juste signale en somme que l’interprétation à donner à mon intervention doit être ajustée à ce qui est effectivement dit. Juste est là pour devancer une réaction possible de mon interlocuteur pour le rassurer :
Je t’appelle juste pour avoir de tes nouvelles.
donne à peu près
Ich rufe bloß / nur mal an, um zu hören, wie es dir geht.
Ou bien:
Je passe juste dire bonjour - 'Ich wollte bloß / nur mal Guten Tag sagen.' 
De même :
Je sors juste acheter des cigarettes. - 'Ich geh’ nur / mal eben ein paar Zigaretten holen.
Une formule qui se veut rassurante, mais nous savons ce qu’elle signifie dans les comédies de boulevard.

3 L'adverbe justement
3.1 L'emploi descriptif
Comme pour juste dans son emploi adverbial, nous procéderons pour l’adverbe justement en commençant par son emploi « descriptif » dans la terminologie d’Oswald Ducrot (1980 et 1982: 151f) ou « d’adverbe intégré dans la propo­sition » dans la typologie de Charles Molinier (1990: 28f), lorsque l’adverbe porte uniquement sur le verbe, avec la signification avec équité / équitablement / légitimement / conformément à la réalité . Juger justement, noter justement peuvent à peine être distingués de juger juste ou noter juste hormis, peut-être, en termes de niveau de langue, justement, plus précis, apparaissant un rien plus soutenu.
3.2 L'emploi non-descriptif
Dans les exemples suivants, justement figure dans un emploi « non-descriptif »  dit « pragmatique »  (Ducrot 1982: 151f) : il est « adverbe de phrase » selon le classement de Molinier. Il permet de s’appuyer sur le discours de l’autre pour l’utiliser à de nouvelles fins argumentatives, notamment pour marquer une coïncidence ou, au contraire, pour introduire une argumentation inverse.
Cet emploi est celui de justement utilisé comme particule de mise en relief, pour marquer une coïncidence, une corrélation. Il nous faudra distinguer également ici la coïncidence dans le temps proprement dit, cette coïncidence pouvant être heureuse ou malencontreuse, et celle, de façon plus générale, entre, d’une part, une information et, de l’autre, une donnée qui convient ou au contraire qui ne convient pas. Justement  en français fonctionne dans les quatre cas de figure et est concurrencé dans les quatre cas par précisément :
Tu dînes avec nous ? Oui, volontiers, justement je n’avais rien de prévu ce soir.
Pourquoi fallait-il qu’il vienne justement aujourd’hui (où j’ai tant de travail)?
Tu dînes avec nous ? Il y aura Jacques. Oui, volontiers, justement je voulais le voir !
Pourquoi fallait-il qu’elle épouse justement cet imbécile ?
Dans les quatre cas, justement se laisse rendre en allemand par gerade :
Isst Du heute abend mit uns? Gerne, ich habe gerade heute abend nichts vor.
Warum musste er auch gerade heute abend kommen?
Isst Du heute abend mit uns? Jacques kommt ebenfalls. Gerne, gerade ihn / genau ihn wollte ich treffen.
Warum mußte sie gerade diesen Vollidioten heiraten?
Dans les phrases où la coïncidence est malencontreuse ou bien où l’élément visé est perçu comme défavorable ou déplaisant, gerade se laisse sans mal rem­placer par ausgerechnet :
Warum mußte er (auch) ausgerechnet heute abend kommen, (wo ich doch so viel zu tun habe)?
Warum mußte sie ausgerechnet diesen Vollidioten heiraten?
Nous renvoyons à la différence de sens entre :
'Gerade ihm musst Du es sagen  - Justement à lui, il faut le dire (S’il y en a un à qui il faut le dire, c’est à lui !)
'Ausgerechnet ihm musstest Du es sagen!' - S’il y en a un à qui il ne fallait rien dire, c’est bien (justement) lui !
Le dernier emploi (6) que nous considérerons est celui de justement utilisé pour approuver un propos explicite ou une pensée implicite, soit en confirmant sa valeur argumentative, soit en la retournant contre l’interlocuteur.
Nous nous appuierons sur la description proposée par Isabelle Serça (1996: 28f) dans le prolongement des travaux d’Oswald Ducrot. Serça centre son analyse sur les emplois non pas « descriptifs »  de justement, mais sur les emplois « pragma­tiques » et notamment sur l’emploi de justement dans un dialogue et, plus précisément, en tête de réplique, soit qu’il représente à lui seul la réplique, constituant de la sorte un mot-phrase, soit qu’il soit suivi et explicité par un argument.
Isabelle Serça part de l’exemple suivant :
L : Je n’épouserai pas ce type. Je ne veux pas finir mes jours en rase campagne.
I : Pourtant tu devrais aimer la campagne. Tu y es né.
Réponses :
L : Justement (emploi absolu)
ou :
L : Justement, (je la déteste)
Avec justement, L utilise le même argument que celui défendu par I, en le retournant, pour une conclusion exactement opposée. Avec justement, le locuteur tire argument de ce qui vient d’être dit et en inverse l’orientation. L’appellation « inverseur argumentatif » se justifie par le fait que dans un échange verbal où A dit X et où B répond : justement, l’adverbe signifie que l’énoncé « s’inscrit dans une argumentation r » et que « B tire du même X, un argument en faveur d’une conclusion non-r »(Serça 1996: 28f).
Justement fonctionne même dans un contexte de non-dialogue donc avec un seul locuteur:
Justement, il faut être citadin pour aimer la campagne.
La notion de « polyphonie » décrite par Ducrot (1984: 104f et 1986: 233f) permet de comprendre le fonctionnement de justement dans cette occurrence. Le locuteur, en disant justement suivi d’un argument, s’opppose à un élément antérieur qu’il reprend pour l’orienter vers une conclusion inverse. Cet élément antérieur peut être attribué soit explicitement à un interlocuteur imaginaire, soit implicitement à un on anonyme, celui des idées reçues. Avec justement, le locuteur va se distancier de ce qui précède. C’est le même fonctionnement que dans un dialogue, sauf qu’il s’agit ici d’une mise en scène de plusieurs voix, celle du locuteur étant mise en relief.
Cet emploi de justement comme « inverseur argumentatif » peut être assez bien distingué du justement simple marqueur de coïncidence. Le premier, souvent en tête de phrase, sera suivi d’une pause forte ou à tout le moins, dans un texte écrit, marqué par une virgule, voire par un point d’exclamation. De plus, il est marqué par un « pic mélodique » sur la première et la dernière syllabe :
Justement, il faut être citadin pour aimer la campagne.
'Eben , man muss ein Stadtmensch sein, um das Leben auf dem Land zu mögen '
ou
'Man muss eben ein Stadtmensch sein, um das Leben auf dem Land zu mögen.'
Le second justement, celui de marqueur de coïncidence, n’est quasiment jamais suivi d’une pause et ne se traduira pas par une intonation particulière. Le justement de coïncidence occupe de préférence la position du milieu de la phrase, mais il peut également occuper la position finale voire initiale :
On parlait justement de vous
On parlait de vous, justement.
Justement, on parlait de vous.
Wir sprachen gerade über Sie (≠ 'Wir sprachen eben über Sie' = emploi temporel (à l’instant))
Justement, dans ses emplois comme adverbe de phrase, peut servir, comme nous l’avons vu, comme marqueur de coïncidence ou comme inverseur argu­mentatif, mais il peut également servir simplement pour « embrayer » sur tout autre chose, voire passer du coq à l’âne.
Partons des exemples parlants développés par Isabelle Serça :
Tu viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques. (Oui volontiers), Justement je voulais le voir !
Tu viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques accompagné de sa femme. (Oh non merci) Justement, cette nana je la supporte pas.
Tu viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques accompagné de sa femme. Justement, (figure-toi) je l’ai croisée, en ville, ... pas seule.
Justement sert à relier deux argumentations et peut signifier :
  • deux argumentations qui vont dans le même sens : justement = oui
  • deux argumentations qui vont dans le sens contraire : justement = non
  • deux argumentations différentes : justement = à propos3
Ces différences de sens peuvent sembler paradoxales, justement pouvant signifier selon le contexte oui aussi bien que non. Comme l’a montré Isabelle Serça, elles peuvent s’expliquer par ce que l’on appelle la « polarité ironique » de justement (Serça 1996 : 31).
Dans le premier cas, justement pourrait être rendu en allemand par gerade ihn wollte ich sprechen, concurrencé par genau, dans le deuxième cas, par ausge­rechnet et dans le troisième cas, par übrigens :
Gerade ihn / genau ihn wollte ich sprechen.
Ausgerechnet sie, die kann ich nicht ausstehen.
Übrigens, die habe ich gestern gesehen etc.
Justement peut aussi parfaitement servir à «  embrayer » sur une réponse pertinente - par simple association d’idées ou autre « accroche » même fortuite - mais également fonctionner comme un outil de subversion en forçant un lieu commun ou en nier l’applicabilité :
Le plombier: Je vous ai apporté ma petite facture pour les derniers travaux chez vous. - Justement à ce propos, je suis un peu juste en ce moment, est-ce que vous pourriez m’accorder un petit délai de paiement ?
('Eben! À propos Zahlung: Ich bin im Augenblick etwas knapp bei Kasse. Könnten Sie mir einen kleinen Zahlungsaufschub gewähren?')
Justement, dans son emploi absolu, autrement dit en mot-phrase, que ce soit pour confirmer la valeur argumentative - éventuellement sur le mode ironique - du propos d’un interlocuteur, ou pour l’inverser en le retournant contre lui, ou même comme « outil de subversion », ne peut se rendre en allemand que par Eben!:
Pourquoi tu lui en veux ? Il n’a rien dit. Justement ! (= S’il avait dit quelque chose, nous n’en serions pas là).
Warum bist Du ihm böse? Er hat ja nichts gesagt. Eben! (= Wenn er etwas gesagt hätte, wären wir nicht in diese Situation geraten).
- Madame, je vous remercie de votre aimable invitation.
- Mais je ne vous ai pas du tout invité.
- Justement ! (C’est bien la raison pour laquelle je le dis.)
En allemand:
- Gnädige Frau, ich danke Ihnen für Ihre nette Einladung.
- Ich habe Sie aber gar nicht eingeladen.
- Eben! (= Gerade deshalb sag’ ich es ja.)
Ou bien:
- Comment, tu manges une gaufre? Mais on va passer à table !
- Et alors ?! Justement !
En allemand:
- Wie ? Du isst jetzt eine Waffel ? Wir wollen doch gerade zu Tisch !
- Und?! Eben drum!

4 La locution adverbiale au juste
Pour clore ce tour d’horizon, il nous reste à voir le cas de au juste. D’un registre plutôt élevé, la locution adverbiale marque un clivage entre une apparence et une croyance et la réalité. Il est employé essentiellement dans des phrases interrogatives ou déclaratives négatives, est de plus en plus concurrencé par exactement et se rend en allemand par eigentlich ou exceptionnellement par genau lorsqu’il porte proprement sur un aspect quantitatif :
Que voulez-vous dire au juste ? - 'Wie meinen Sie das eigentlich?'
Que me voulez vous au juste ? - 'Was wollen Sie eigentlich?'

A quelle distance sommes-nous au juste de …. ? Par la route je ne saurais vous dire au juste. -
'Wie weit ist es eigentlich nach……? Auf dem Landweg vermag ich es nicht genau zu sagen.'

Finalement on ne sait jamais quelle tête on a au juste. -
'Man weiß doch nie wie man eigentlich aussieht.'

5 En guise de conclusion
Voilà le genre d’élucubrations et de ratiocinations qui auraient parfaitement pu nous préoccuper Hartmut Kleineidam et moi-même dans nos longues discus­sions, moi fournissant, en qualité de locuteur natif, le matériau brut, lui, en qualité de grammairien et linguiste, le fondement et l’armature théorique. Dans le même registre, aurait pu être un sujet de réflexion pour nous le sens et l’emploi de : en fait, au fait, de fait, en effet, effectivement ou encore la traduction en français de das heißt et und zwar.
Le vénérable Professor Dr. Hans Wilhelm Klein que j’ai rencontré une seule fois, avec Hartmut Kleineidam, sur le quai de la gare d’Aix-la-Chapelle, me confiait en semi-aparté, en parlant de Hartmut Kleineidam : « Ich habe noch nie einen Deut­schen kennengelernt, der so gut Französisch spricht ».
Le fait est que, à une époque, dans les années 70, où l’enseignement des langues découvrait avec émerveillement la langue parlée - avec son vocabulaire et sa syntaxe - au point que certains romanistes se sentaient obligés, cédant à un phénomène de mode, de parler avec l’accent de Belleville - c’était l’époque ou la banlieue était encore au singulier - Hartmut Kleineidam a toujours mis, je pense, un point d’honneur à parler un français d’une hypercorrection, sans accent, et dépourvue de marqueur, quel qu’il soit.
Nous n’en voudrons pour preuve que cette petite anecdote dont je ne voudrais pas priver le lecteur et sur laquelle je terminerai mes réflexions:
C’était au printemps 1978. J’avais invité chez moi quelques amis pour fêter le doctorat que je venais de décrocher à l’université de Paris X - Nanterre. Parmi la petite trentaine que nous formions, il y avait un très vieil ami, un Français, Jean Louis F., aujourd’hui général à la retraite – dont j’avais fait la connaissance sur les bancs de la faculté de droit rue d’Assas, puis sur ceux des classes préparatoires à Saint-Cyr - … et il y avait là aussi Hartmut Kleineidam.
A la fin de la soirée, quand tous mes hôtes furent partis, Jean-Louis F., que nous hébergions, me dit : «J’ai discuté un bon moment avec un type curieux, intéressant. La petite quarantaine, quasiment chauve, plutôt sportif et un humour pince-sans rire … »
Tu vois qui je veux dire ? Mais mon ami poursuivit : « Non ne me dis rien ! Laisse-moi plutôt deviner ! »
« A sa façon de s’exprimer, hypercorrecte, un rien recherchée, je dirais : un pur produit de nos Grandes Ecoles. J’ai du mal à le situer : Ulm ? ou alors Sciences-Po et l’ENA ?»
Mon ami Jean-Louis F. qui s’était entretenu, en français, et près de trois quart d’heures, avec Hartmut Kleineidam, ne s’était à aucun moment aperçu qu’il avait affaire à un Allemand.


Annexe
Juste, tout juste, au
juste, justement
Exemples
Concurrents
Equivalents en allemand
Juste emploi adverbial portant sur le verbe

1. conformément à la justice ou à la vérité


2. Conformément à la réalité, sans erreur
(≠ faux)

3. Avec justesse, exactitude, précision, rigueur

Conformément aux règles de l’harmonie (≠ faux)

Conformément au naturel, à l’effet recherché

Conformément à la nature ou à une esthétique



juger juste



penser juste,
raisonner juste


calculer juste, viser juste,
deviner juste

chanter juste, jouer juste


jouer juste (théâtre), un soupir poussé juste


dessiner juste



Avec équité



comme il convient











avec à propos





gerecht



folgerichtig denken, richtig argumentieren
genau rechnen, mais aussi : scharf kalkulieren
notengetreu singen






mit Einfühlungs­vermögen spielen


naturgetreu zeichnen

Juste emploi adverbial portant sur le prédicat ou sur la préposition
4. Marque une coïncidence, une corrélation

en particulier :
- dans l’espace







- dans le temps

C’est juste le contraire.


Il était assis juste à côté de, devant, derrière moi.

J’habite juste en face.
La poste ? Elle est juste au bout de la rue.
Juste entre les deux yeux
Il y a (tout) juste 8 jours.

Il est juste six heures, il est six heures juste.
juste avant, juste après,

juste à ce moment
précisément, exactement






exactement
directement




exactement


exactement, pile (fam.)
Es ist genau / gerade das Gegenteil.


Er saß unmittelbar neben, vor, hinter mir.
Ich wohne direkt gegenüber.




Genau zwischen beiden Augen
Genau / gerade vor einer Woche

Es ist genau / Punkt 6 Uhr
kurz (da)vor, kurz (da)nach,
genau / gerade / (just) in diesem Augenblick
gerade / soeben
5. Avec une valeur restrictive dans le temps

avec venir de








6. Avec une valeur minimisante, dévalorisante











7. Adverbe d’énonciation fonctionnant comme modalisateur : 

« juste » porte sur l’ensemble du prédicat et non uniquement sur le verbe ou sur le complément.

C’est un moyen pour le locuteur de minimiser pour l’interlocuteur la portée de l’énoncé.
Arriver, commencer, se mettre à, venir de,
Nous nous mettions juste à table quand….

Il vient (tout) juste d’arriver/ de partir.
Je venais (tout) juste d’arriver que ……
avoir (tout) juste le temps de + infinitif
Je l’ai eu tout juste, mon train ! (parlé)

L’enfant apprenait (tout) juste à marcher.
Il peut (tout) juste se tenir debout.
avoir (tout) juste de quoi vivre
Il est (tout) juste bon pour / à (+infinitif)
Ton café est (tout) juste chaud.
Je l’ai (tout) juste embrassée sur l’épaule.

Tu viens ? Je ferme juste les fenêtres
(emploi temporel)


Qu’est-ce que tu bois là ? C’est juste de l’eau.





Est-il alcoolique ? Penses-tu, il boit juste un verre de vin en mangeant. / Il boit tout juste un verre de vin en mangeant./ C’est tout juste s’il boit un verre de vin en mangeant.

Elle a juste dit bonjour.
Elle a tout juste dit bonjour.

Elle a juste souri.

Elle a tout juste souri.

Je passe juste dire bonjour.

Je t’appelle juste pour avoir de tes nouvelles.

Je sors juste acheter des cigarettes.
à peine










de justesse


à peine












seulement




ne…que
seulement
















simplement

à peine

simplement
à peine
Gerade /

Wir wollten gerade zu Tisch als …

Er ist gerade / soeben / eben angekommen.
gerade/ kaum

gerade noch Zeit haben

Ich hab’ meinen Zug gerade noch gekriegt

Das Kind lernte gerade erst laufen.
Er kann sich gerade (noch) aufrecht halten.
knapp das Nötige haben

Er taugt gerade noch für /zu (...)
gerade noch

nur, bloß (Ach ! Ich hab’ sie ja nur auf die Schulter geküsst).
Kommst du? Ich mach bloß noch / nur noch / gerade noch die Fenster zu.

Was trinkst Du da? Bloß Wasser.





(…) Er trinkt nur ein Glas Wein zum Essen.
Er trinkt gerade mal ein Glas Wein zum Essen (wenn überhaupt).



Sie hat bloß/nur gegrüßt.
Sie hat gerade noch gegrüßt (ambigu).
Sie hat bloß/ nur gelächelt.
Sie hat sich gerade mal ein Lächeln abgerungen.
Ich wollte / gerade nur mal Guten Tag sagen.
Ich rufe bloß / nur mal an um zu hören, wie es dir geht.
Ich hol‘ nur mal/ eben mal ein paar Zigaretten.




Justement

1. portant uniquement sur le verbe
conformément à la justice / légitimement / équitablement / conformément à la réalité

2. adverbe de phrase
particule de mise en relief, marque une coïncidence, une corrélation :


- dans le temps : concomitance heureuse ou malheureuse




- entre une information et une donnée qui convient ou au contraire qui ne convient pas





juger justement
apprécier, noter justement (cf. noter juste)





Vous tombez à pic. J’avais justement à vous parler. On parlait justement de vous.
Quand est-ce que tu lui écris ? C’est ce que je suis justement en train de faire.
Tu dînes avec nous ? Oui, volontiers, justement je n’avais rien de prévu ce soir.
Pourquoi fallait-il qu’il vienne justement
aujourd’hui ?

Tu dînes avec nous ? Il y aura Jacques. D’accord, justement je voulais le voir !


Pourquoi fallait-il que tu épouses justement cet imbécile ?

Justement à lui il faut le dire (S’il y en a à qui il faut le dire, c’est à lui !)
S’il y en a un à qui il ne fallait rien dire, c’est bien (justement) lui !






équitablement
de manière juste,
à sa juste valeur



précisément



précisément




précisément







Ça tombe bien, je voulais précisément le voir.

précisément






gerecht urteilen
gerecht benoten






gerade



Ich bin gerade dabei.
gerade / genau







gerade / ausgerechnet



gerade

gerade / genau



gerade / ausgerechnet



Cf. Différence de sens
Gerade / genau ihm musstest Du es sagen ! Gerade / ausgerechnet dem musstest Du es sagen!

3. Justement pour approuver un propos explicite ou une pensée implicite soit en confirmant sa valeur argumentative soit en la retournant contre l’interlocuteur

4. Justement pour « embrayer », par association d’idées, sur autre chose

5. Justement : emploi en mot- phrase

Justement, j’allais le dire.

C’est justement ce que je voulais dire.





Justement, pourriez-vous m’accorder un délai de paiement ?


Pourquoi tu lui en veux ? Il n’a rien dit. Justement ! (S’il avait dit quelque chose, nous n’en serions pas là).


Madame, je vous remercie de votre aimable invitation. Mais je ne vous ai pas du tout invité. Justement !
précisément, exactement
précisément, exactement





à propos




précisément






précisément
Ja, eben / genau das wollte ich gerade sagen.
Eben, / genau das habe ich ja gemeint.





Apropos, übrigens,
Da fällt mir gerade ein (fam.)…


Warum bist Du Ihm böse? Er hat ja nichts gesagt. Eben! (wenn er etwas gesagt hätte, wären wir nicht in diese Situation geraten).

Eben! / (gerade deshalb sag’ ich es ja!)
Au juste marque un clivage entre une apparence et une croyance et la réalité

en interrogatives







en déclaratives





Que voulez-vous dire au juste ?
Que me voulez-vous au juste ?
A quelle distance sommes-nous au juste de…. ?

Finalement on ne sait jamais quelle tête on a au juste.





exactement
à la fin






en définitive





Wie meinen Sie das eigentlich?
Was wollen Sie eigentlich?
Wie weit ist es eigentlich nach …?


Man weiß doch nie, wie man eigentlich aussieht.






Synthèse
Juste Justement

portant sur le verbe
genau, gerecht, -getreu
gerecht
portant sur le verbe
marqueur de coïncidence
- espace
- temps

valeur restrictive (dans le temps)

valeur dévalorisante


genau / unmittelbar
eben / gerade

gerade (noch)


gerade noch



gerade

gerade (+)


ausgerechnet (-)
marqueur de coïncidence

  • temps

  • entre 2 faits, personnes et
modaliateur
- valeur temporelle

- minimisation

bloß / nur / gerade noch
bloß / nur mal
eben / genau
eben

Eben!
approbation
inverseur argu­mentatif
mot-phrase








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1Nous renvoyons, pour la typologie et l’ensemble des exemples, à la grille figurant en annexe.
2Cf. la numérotation utilisée dans la grille en annexe.

3A propos, en francais aussi bien qu’en allemand, employé dans un dialogue, sert à introduire quelque chose dont le locuteur se souvient subitement, en continuité, mais le plus souvent en rupture, avec ce qui vient d’être dit. A propos sert alors à introduire un élément inopportun et, le plus souvent, parfaitement hors de propos. Dans une conversation sur la pluie et le beau temps : A propos, tu n’oublies pas que tu me dois toujours 500€. 'Apropos du schuldest mir immer noch 500€'.