Juste,
tout juste, au juste, justement.
Réflexions
sur quelques adverbes et
locutions
adverbiales du français,
leur
sens, leur emploi et leurs correspondants en allemand
Serge
L. Gouazé (Valenciennes,
France)
Pierre
Brochant : Il s'appelle Juste Leblanc.
François Pignon : Ah bon, il a pas de prénom ?
Pierre Brochant : Je viens de vous le dire : Juste Leblanc.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Leblanc, c'est son nom, et c'est Juste, son prénom.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François,
François Pignon : Ah bon, il a pas de prénom ?
Pierre Brochant : Je viens de vous le dire : Juste Leblanc.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Leblanc, c'est son nom, et c'est Juste, son prénom.
François Pignon : …
Pierre Brochant : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François,
c'est
juste ?
François Pignon : Oui…
Pierre Brochant : Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste.
François Pignon : …
(Thierry Lhermitte, Jacques Villeret, Le Dîner de cons (1998), Film écrit
François Pignon : Oui…
Pierre Brochant : Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste.
François Pignon : …
(Thierry Lhermitte, Jacques Villeret, Le Dîner de cons (1998), Film écrit
et
réalisé par Francis Veber)
Résumé
Bien
que ni grammairien, ni linguiste, ni didacticien et pas même
romaniste, puisque germaniste « civilisationniste », mais
voulant apporter néanmoins mon écot à cette manifestation en
l’honneur de celui qui fut mon mentor et ami, je propose ici
quelques réflexions - plus pratiques que théoriques - en lien avec
plus de 40 années d’expérience d’enseignant de langues à des
étudiants allemands et français. Elles concernent ces petits mots
de communication que sont les particules modales. Dans la langue
française, une langue pauvre en particules comparativement à
l’allemand, les diverses fonctions sémantiques ou
pragmatiques que les particules modales remplissent en allemand
doivent forcément être réalisées par d’autres moyens. Si je
laisse de côté la solution de la Nullentsprechung,
comblée en partie par l’intonation ou la place du mot dans la
phrase, restent celles du recours à des particules modales
comparables, lesquelles cependant - lorsqu’elles existent - se
laissent plus difficilement regrouper en sous-ensembles
morpho-syntaxiquement homogènes. Largement plus nombreuses en
allemand qu’en français, les particules modales ont été
répertoriées de manière quasi exhaustives, par les germanistes, et
notamment par des germanistes français, sous la dénomination d’«
invariables difficiles » lesquels recouvrent « les
particules, les connecteurs, les interjections et autres mots de la
communication». M’adressant ici à un public composé
majoritairement de romanistes, j’ai abordé - quitte à mettre la
charrue avant les bœufs - le problème par l’autre bout, celui des
adverbes et locutions adverbiales, servant en français à traduire
certains de ces « invariables difficiles ». En français,
ils ne sont pas en soi difficiles, mais précisément parce qu’ils
n’appartiennent pas à des sous-ensembles homogènes, ils sont
sujets à difficultés et donnent traditionnellement lieu à des
confusions pour les apprenants, notamment les étudiants
romanistes. J’ai pris, à titre d’exemple, des « familles »
d’adverbes et de locutions adverbiales telles que : juste,
tout juste, au juste et justement.
1
Remarques liminaires
J’ai
fait la connaissance de Hartmut Kleineidam en octobre 1970, lorsque
je suis arrivé à Bochum sur mon poste de lecteur de français à
l’Institut d’Etudes romanes de l’Université de la Ruhr. Il
était alors Akademischer
Oberrat, chargé
notamment
de
l’organisation de l’enseignement de la Sprachpraxis
Französisch pour
la partie de la langue écrite. Le dépoussiérage et la
restructuration de l’ensemble de l’enseignement de la grammaire
française pour romanistes débutants, en plusieurs blocs
distincts, sous l’appellation très moderne et nouvelle à l’époque
de Morphosyntax
A, B et C
assurés de concert par des enseignants-grammairiens / linguistes ou
didacticiens allemands et des lecteurs de français, locuteurs
natifs, ont été son mérite. Je suis allé, tout récemment, par
curiosité, faire un tour sur le site internet de l’Institut
d’Etudes romanes de la Ruhr-Universität Bochum, et j’ai constaté
que le découpage proposé, il y a plus de 40 ans, par Hartmut
Kleineidam existe toujours, inchangé.
C’est
à lui également que revient, dans le même registre, le mérite de
l’élaboration d’une typologie des textes, à la fois simple
et cohérente pour les épreuves de traduction depuis la Hauptstufe
jusqu’au Staatsexamen,
avec la distinction faite entre : narrative,
literarisch-expositorische et
landeskundlich-expositorische
Texte
et toutes les conséquences qui en découlent, en matière de
corrections notamment, moyennant l’élaboration d’une typologie
des fautes.
La
morphosyntaxe du français nous a rapprochés, Hartmut Kleineidam et
moi-même, sur le plan professionnel. J’avais assisté à la genèse
de sa Französische
Synonymik parue
en 1972
et
j’ai
eu l’honneur de travailler avec lui à un ouvrage d’exercices
pratiques de grammaire pour l’enseignement du français dans le
supérieur : Übungen
zur Morphosnytax des Französischen, paru
chez Hueber en 1976.
Hartmut
Kleineidam a été pour moi le premier romaniste allemand à
concevoir l’utilité et la nécessité pour des ouvrages pratiques
d’apprentissage du français de recourir à des textes qui ne
soient pas majoritairement littéraires (narratifs-fictionnels ou
expositifs), mais qui fassent une large place à des textes à
caractère civilisationniste, ce qu’en Allemagne, on appelait
toujours avec un peu de condescendance la Landeskunde.
Ce n’est pas un hasard que l’institut d’Etudes romanes de la
Ruhr a été le premier à ma connaissance, et longtemps le seul, à
introduire pour l’épreuve de thème du Staatsexamen
la possibilité de choisir un texte dit landeskundlich-expositorisch
à caractère politique, économique ou social, extrait soit d’un
article de journal, d’une revue ou d’un ouvrage scientifique.
La
curiosité que nous avions l’un et l’autre pour les langues
étrangères, lui pour le français, moi pour l’allemand, et une
sorte d’émulation réciproque prenant souvent une forme ludique :
« Wie
sagt man auf Französich : das Bindegewebe reicht bis zum
oberen Rippenbogen »:
Réponse : « le
tissu conjonctif arrive jusqu’à l’arc costal supérieur »,
cette complicité nous a rapprochés encore davantage et nous nous
sommes rapidement véritablement liés d’amitié.
Que
nous fussions à l’époque tous les deux membres des jurys de
français des examens de Traducteurs
et Interprètes
de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Düsseldorf a été
l’occasion de nous rencontrer régulièrement trois ou quatre fois
par an en plus des rencontres privées à Dortmund ou à Bochum, et
ce même après sa nomination sur une chaire de langue et de
linguistique du français en 1976 à Dortmund, puis sur une chaire de
grammaire et linguistique romanes à l’université de Duisburg en
1980, tandis que moi-même, germaniste de formation, je retournai à
mes premières amours, en étant recruté par le ministère de
l’enseignement supérieur en France, à l’université de
Valenciennes sur un poste, à l’époque, de maître-assistant de
civilisation allemande contemporaine.
Pour
le présent symposium organisé par Thomas Tinnefeld - que je tiens à
remercier et dont je salue l’initiative - en l’honneur de Hartmut
Kleineidam, à l’occasion de son 75ème
anniversaire, j’aimerais apporter mon écot à celui qui a été
mon mentor et ami. Malheureusement je ne suis ni grammairien, ni
linguiste, pas même romaniste, si bien qu’en désespoir un peu de
cause, je ne puis proposer que quelques réflexions - plus pratiques
que théoriques d’ailleurs - en lien avec 30 années d’expérience
d’enseignant de langues à des étudiants allemands ou français.
Elles concernent notamment ces petits mots de communication
invariables qu’en allemand, on appelle Abtönungspartikeln,
Einstellungspartikeln ou Modalpartikeln
et en français les particules modales.
Dans
la langue française qui fait partie des langues pauvres en
particules - je fais abstraction des particules dites d’articulation
ou marqueurs du discours tels que bon,
bien, alors etc.
et qui sont propres à la langue parlée (Gülich 1970) - les
multiples fonctions sémantiques ou pragmatiques que les particules
modales remplissent en allemand doivent être réalisées par
conséquent par d’autres moyens. Si je laisse de côté la solution
de l’omission délibérée ou de la non traduction (die
Nullentsprechung),
comblée en partie ne serait-ce que par l’intonation ou la place du
mot dans la phrase, reste celle du recours à des particules
modales comparables - lorsqu’elles existent - mais qui surtout se
laissent plus difficilement regrouper en sous-ensembles
morpho-syntaxiquement homogènes.
Largement
plus nombreuses en allemand qu’en français, les particules modales
- Jean-Paul Confais et François Schanen (1986) les appellent des
particules illocutoires et perlocutoires - ont, après les travaux de
pionnier de Harald Weydt (1969), fait l’objet, en toute logique,
pour l’allemand d’analyses systématiques et ont été
répertoriées de manière quasi exhaustive - y compris dans des
approches contrastives - par les germanistes et notamment par les
germanistes français, je pense aux travaux du groupe de
lexicographie germanique de l’université de Nancy II (Metrich,
Faucher, Courdier 1995), sous la dénomination plus globale d’«
invariables difficiles », lesquels recouvrent « les
particules, les connecteurs, les interjections et autres mots de la
communication. »
M’adressant
ici à un public composé majoritairement de romanistes, je vais
aborder le problème par l’autre bout, celui des adverbes et
locutions adverbiales, servant en français à traduire certains
de ces invariables difficiles et qui, précisément parce qu’ils
n’appartiennent pas à des sous-ensembles homogènes, sont sujettes
à difficultés pour les apprenants, qu’il s’agisse d’étudiants
allemands ou français. Je prendrai à titre d’exemple les
adverbes et locutions adverbiales juste,
tout juste, au juste et justement.
2
L'adverbe juste
Commençons
par l’adverbe juste.
Nous avons voulu établir une liste aussi complète que possible1,
sachant bien que nous nous limiterons aux emplois adverbiaux. Il nous
faut distinguer d’abord juste
au sens de :
- conformément à la justice ou à la vérité : juger juste
- conformément à la réalité, sans erreur : raisonner juste (≠ faux)
- avec justesse, exactitude, précision, rigueur, y compris les acceptions spécifiques dans les arts (musique, théâtre ou dessin): chanter juste, jouer juste, dessiner juste.
Ces
trois premiers emplois correspondent aux différents sens de juste,
forme adjectivale en fonction adverbiale, ne posent en soi pas de
problème, sauf, peut-être, lorsqu’il s’agit de les traduire en
allemand, et c’est alors une difficulté purement sémantique:
gerecht
urteilen, richtig
argumentieren, genau
rechnen, mais
aussi scharf
kalkulieren,
notengetreu
singen
, naturgerecht
zeichnen
etc.
Je
m’intéresserai davantage aux emplois suivants de juste
:
L’emploi
de juste 42,
synonyme
de précisément,
exactement,
marque une coïncidence, une corrélation - exemple : c’est
juste le contraire,
et ce en particulier dans son emploi dans l’espace et dans le temps
:
- dans l’espace :
elle
était assise juste à côté de, juste devant, juste derrière moi
'sie
saß unmittelbar
neben, vor oder hinter mir'
j’habite
juste en face
'ich
wohne direkt
gegenüber'
juste
entre les deux yeux
'genau
zwischen die Augen'
Pas
de difficulté particulière, sauf à considérer que juste se rend
par unmittelbar,
direkt,
ou
genau.
- dans le temps :
juste
à ce moment
il
est six heures juste
il
est juste six heures
juste
avant
juste
après
il
y a juste 8 jours
Dans
cet emploi juste peut
être
spécifié par tout .
Tout
ne
modifie pas vraiment le sens mais apporte une dimension subjective.
La différence est ténue mais apparaît assez bien dans :
il
est 6
heures juste
ou
bien
il est juste
six heures
qui
signifient :
il
est exactement
6 heures ou il est 6 heures pile
(fam.) ('es ist genau 6 Uhr' ou 'es ist Punkt sechs')
et
Qu’est-ce
qu’il te prend de me téléphoner à une heure pareille ? il est
tout
juste
six heures (= il est à
peine
6 heures, es ist gerade
erst sechs)
Jean
Christophe Anscombre
(1995)
a mené une étude de tout
combiné à divers adjectifs dont il ressort que cet adverbe est
associé à l’expression de propriétés extrinsèques
« subjectives ». Dans ton
café est tout froid,
froid
dénote une qualité résultant de facteurs extérieurs, il
inclut un point de vue sur le constat, signifiant que le
locuteur ne pensait pas avoir servi un café à peine chaud dein
Kaffee ist ja ganz kalt
ou bien ton
café est tout juste chaud signifie
qu’ il est tiédasse : dein
Kaffee ist gerade
noch
warm.
Les
emplois de juste
5 et 6
comportent
« une
valeur restrictive »
et traduisent une immédiateté, synonyme plus ou moins de hâte ou
de précipitation, ou bien s’oriente vers une conclusion, quel que
soit le contexte, plutôt négative (Ducrot 1972). Si on a (tout)
juste le temps,
c’est qu’on n’a pas une minute à perdre, si l’on a
(tout)
juste de quoi vivre,
c’est que l’on a du mal à joindre les deux bouts, si l’on
arrive (tout)
juste à se tenir debout,
c’est que l’on a du plomb dans l’aile, si l’on est (tout)
juste bon à quelque chose,
c’est que l’on est passablement limité dans ses capacités
(Leeman 2004: 17f). Dans cet emploi, juste
est paraphrasable par à
peine
et peut être spécifié par tout
sans changer véritablement de sens, hormis la dimension subjective :
Il
vient juste
de partir et il vient tout
juste
de partir.
Mais
comparez :
je viens
juste
de
me lever
et
je
viens tout
juste
de me lever. - 'Ich bin gerade
aufgestanden.' et
'Ich bin gerade
erst
aufgestanden.'
Pour
Claire Blanche-Benveniste (2001: 68f) qui a étudié juste
et plein
dans un corpus relevant proprement de la langue parlée, l’intensif
tout
juste
contribuerait à infléchir la signification du côté négatif
de à
peine,
pas
vraiment,
et elle cite les exemples :
Son
petit-fils était tout
juste
en train de se réveiller.
A
vingt-quatre ans, Aznavour, on sait tout
juste
qui c’est.
On
retrouve la connotation négative. Dans ces exemples, tout
juste
apporte une spécification au verbe, aspectuelle dans le premier cas,
quantitative dans le second. Dans le premier exemple, il s’agit de
l’emploi de juste
dans son utilisation temporelle (je
viens tout juste de me lever).
Le second exemple, où juste apporte
une spécification graduelle, nous paraît plus intéressant pour
notre propos :
Als
Aznavour 24 war, wusste man gerade
mal,
wer
er war.
La
différence entre les deux emplois de juste
se constate au changement de sens qui affecte juste
en rajoutant tout
:
Paul
est juste
un ami
et
Paul
est tout
juste un ami.
Dans
le premier cas, juste
porte sur le prédicat être
un ami
et précise le statut de Paul par rapport à d’autres statuts
imaginables: Rassure-toi
ce n’est pas mon amant ! Paul est juste un ami. ('Paul
ist
bloß
/
nur
ein Freund').
Dans
le second cas, juste
ne porte que sur le prédicat ami.
Tout
juste un ami
signifie que quelqu'un mérite à
peine
le nom d’ami ('Paul
ist so
gerade noch
ein Freund').
Il
s’agit là d’un emploi « atténuatif » de l’adverbe
juste
qui consiste en quelque sorte à minimiser le contenu d’un énoncé
par rapport à ce que le locuteur pourrait éventuellement
comprendre. Cette minimisation, loin d’être négative, vise au
contraire à amener le locuteur à une conclusion positive. Danielle
Leeman (2004: 19) parle d’une « orientation argumentative »
de juste
et même, plus spécifiquement, d’inversion argumentative. Nous
aurons l’occasion d’en reparler à propos de justement.
L’emploi
de « juste » 7
est celui d’un
adverbe
d’énonciation fonctionnant comme modalisateur :
moyen pour le locuteur de minimiser pour l’interlocuteur la portée
de l’énoncé. Mis en lumière par Danièle Leeman (Leeman 2004:
20) à partir de l’exemple :
Mais
qu’est-ce-tu fais ? - 'Wo bleibst du denn?'
Je ferme juste les fenêtres. -
'Ich mach’ bloß (noch) die Fenster zu.'
En
répondant simplement : je
ferme les fenêtres,
B pouvait craindre que A pense qu’il avait encore un bon moment à
prendre son mal en patience. L’ajout de l’adverbe juste permet
de minimiser la portée de l’action et donc d’anticiper la
conclusion négative que l’on aurait pu en tirer autrement. Et
Danièle Leemann étaye son raisonnement sur les exemples donnés par
Hava Bat-Zeev Shyldkrot (2001: 11f) :
Je
vais juste
au cinéma (au sens : je ne fais pas grand-chose, mon seul
loisir, c’est d’aller au cinéma).
Il
a juste
pris 3 pommes (au sens : il n’a rien fait d’autre que
prendre 3 pommes)
Il
a juste
une voiture (au sens : son seul luxe est d’avoir une voiture).
Les
énoncés s’inscrivent dans un contexte de dénégation de ce que
pourrait dire ou penser l’interlocuteur.
Reprenons
les exemples précédents :
Contrairement
à ce que tu pourrais croire, (je ne passe pas mon temps dans les
boîtes de nuit), je vais juste
au cinéma. ('Ich gehe gerade
mal
ins Kino.')
Ne
dramatisons pas : il a juste
pris trois pommes (il n’a tué personne, il n’a pas attaqué une
banque). ('Er hat gerade
mal drei
Äpfel mitgehen lassen.')
Il
ne roule pas sur l’or, comme tu l’imagines, il a juste
une voiture. ('Er leistet sich gerade
mal
ein Auto.')
Juste,
dans cet emploi, peut-être associé à tout
(tout
juste)
et est toujours susceptible de l’emphase : c’est
tout juste si
………('gerade
noch, gerade mal…')
:
C’est
tout
juste si
je vais au cinéma, de temps en temps.
C’est
grave ce qu’il a fait. Tu parles : c’est tout
juste s’il
a pris trois pommes.
Tu
parles d’un train de vie dispendieux !C’est tout
juste s’il
a une voiture.
Alors
qu’on ne dirait pas :
* C’est tout juste si
je ferme les fenêtres.
ou
alors avec une différence notable de sens :
J’ai
dû quitter la maison précipitamment. C’est tout
juste si j‘ai
fermé les fenêtres. Ich musste das Haus Hals über Kopf verlassen.
Ich habe gerade
mal noch
die Fenster geschlossen.
Ce
qui distingue les trois premiers exemples de celui-ci, c’est que je
ferme juste
les fenêtres
est considéré uniquement sous l’aspect temporel de la durée et
signifie :
Laisse-moi
(juste) encore le temps de fermer les fenêtres .
Idem
pour :
J’ai
dû quitter la maison précipitamment. J’ai tout juste eu le temps
de fermer les fenêtres.
Dans
une phrase comme: Je
passe juste dire bonjour,
l’adverbe juste
signifie que mon intrusion n’est que ponctuelle, qu’elle ne va
pas durer et que je n’ai aucunement l’intention de m’incruster.
Comme le fait remarquer Daniele Leeman 2001:19), la restriction
ne porte pas sur le contenu du dit mais sur l’effet qu’il peut
produire. Juste est
là pour anticiper ce que l’interlocuteur peut penser et
éventuellement craindre de ma démarche. Si téléphonant à
quelqu’un, je commence après m’être présenté, par : Je
t’appelle juste pour avoir de tes nouvelles,
l’initiative de ma prise de contact, étant susceptible d’être
ressentie comme de l’indiscrétion, comme un empiètement mal venu
sur le privé, une « invasion territoriale » dans la
terminologie d’Erwing Goffman (1974: 65), juste signale
en somme que l’interprétation à donner à mon intervention doit
être ajustée à ce qui est effectivement dit. Juste
est là pour devancer une réaction possible de mon interlocuteur
pour le rassurer :
Je
t’appelle juste
pour avoir de tes nouvelles.
donne
à peu près
Ich
rufe bloß
/
nur
mal an,
um zu hören, wie es dir geht.
Ou
bien:
Je
passe
juste
dire bonjour - 'Ich wollte bloß
/
nur
mal
Guten
Tag sagen.'
De
même :
Je
sors juste
acheter des cigarettes. - 'Ich geh’ nur
/
mal eben
ein paar Zigaretten holen.
Une
formule qui se veut rassurante, mais nous savons ce qu’elle
signifie dans les comédies de boulevard.
3
L'adverbe
justement
3.1
L'emploi descriptif
Comme
pour juste
dans son emploi adverbial, nous procéderons pour l’adverbe
justement
en commençant par son emploi
« descriptif »
dans
la terminologie d’Oswald Ducrot (1980 et 1982: 151f) ou « d’adverbe
intégré dans la proposition »
dans la typologie de Charles Molinier (1990: 28f), lorsque l’adverbe
porte uniquement sur le verbe, avec la signification avec
équité / équitablement / légitimement / conformément à la
réalité . Juger
justement, noter justement
peuvent
à peine être distingués de juger
juste ou noter juste
hormis, peut-être, en termes de niveau de langue, justement,
plus précis, apparaissant un rien plus soutenu.
3.2
L'emploi non-descriptif
Dans
les exemples suivants, justement
figure dans un
emploi
« non-descriptif »
dit
« pragmatique »
(Ducrot 1982:
151f) :
il
est
« adverbe
de phrase »
selon
le classement de Molinier.
Il
permet de s’appuyer sur le discours de l’autre pour l’utiliser
à de nouvelles fins argumentatives, notamment pour marquer une
coïncidence ou, au contraire, pour introduire une argumentation
inverse.
Cet
emploi est celui de justement utilisé
comme particule
de mise en relief, pour marquer une coïncidence, une corrélation.
Il nous faudra distinguer également ici la coïncidence dans le
temps proprement dit, cette coïncidence pouvant être heureuse ou
malencontreuse, et celle, de façon plus générale, entre, d’une
part, une information et, de l’autre, une donnée qui convient ou
au contraire qui ne convient pas. Justement
en français fonctionne dans les quatre cas de figure et est
concurrencé dans les quatre cas par précisément
:
Tu
dînes avec nous ? Oui, volontiers, justement
je n’avais rien de prévu ce soir.
Pourquoi
fallait-il qu’il vienne justement
aujourd’hui (où j’ai tant de travail)?
Tu
dînes avec nous ? Il y aura Jacques. Oui, volontiers, justement
je voulais le voir !
Pourquoi
fallait-il qu’elle épouse justement
cet imbécile ?
Dans
les quatre cas, justement
se laisse rendre en allemand par gerade
:
Isst Du heute abend mit
uns? Gerne, ich habe gerade
heute abend nichts vor.
Warum musste er auch
gerade
heute abend kommen?
Isst Du heute abend mit
uns? Jacques kommt ebenfalls. Gerne, gerade
ihn
/
genau
ihn wollte ich treffen.
Warum mußte sie gerade
diesen Vollidioten heiraten?
Dans
les phrases où la coïncidence est malencontreuse ou bien où
l’élément visé est perçu comme défavorable ou déplaisant,
gerade
se laisse sans mal remplacer par ausgerechnet
:
Warum
mußte er (auch) ausgerechnet
heute abend kommen, (wo ich doch so viel zu tun habe)?
Warum
mußte sie ausgerechnet
diesen Vollidioten heiraten?
Nous
renvoyons à la différence de sens entre :
'Gerade
ihm
musst Du es sagen - Justement à lui, il faut le dire (S’il y
en a un à qui il faut le dire, c’est à lui !)
'Ausgerechnet
ihm
musstest Du es sagen!' - S’il y en a un à qui il ne fallait rien
dire, c’est bien (justement) lui !
Le
dernier emploi (6)
que nous considérerons est celui de justement utilisé
pour approuver un propos explicite ou une pensée implicite, soit en
confirmant sa valeur argumentative, soit en la retournant contre
l’interlocuteur.
Nous
nous appuierons sur la description proposée par Isabelle Serça
(1996: 28f) dans le prolongement des travaux d’Oswald Ducrot. Serça
centre son analyse sur les emplois non pas « descriptifs »
de justement, mais sur les emplois « pragmatiques »
et notamment sur l’emploi de justement
dans un dialogue et, plus précisément, en tête de réplique, soit
qu’il représente à lui seul la réplique, constituant de la sorte
un mot-phrase, soit qu’il soit suivi et explicité par un argument.
Isabelle
Serça part de l’exemple suivant :
L :
Je n’épouserai pas ce type. Je ne veux pas finir mes jours en rase
campagne.
I :
Pourtant tu devrais aimer la campagne. Tu y es né.
Réponses :
L : Justement
(emploi absolu)
ou :
L : Justement,
(je la déteste)
Avec
justement,
L utilise le même argument que celui défendu par I, en le
retournant, pour une conclusion exactement opposée. Avec justement,
le locuteur tire argument de ce qui vient d’être dit et en inverse
l’orientation. L’appellation « inverseur
argumentatif »
se justifie par le fait que dans un échange verbal où A dit X et où
B répond : justement,
l’adverbe signifie que l’énoncé « s’inscrit dans une
argumentation r » et que « B tire du même X, un argument
en faveur d’une conclusion non-r »(Serça
1996: 28f).
Justement
fonctionne même dans un contexte de non-dialogue donc avec un seul
locuteur:
Justement,
il faut être citadin pour aimer la campagne.
La
notion de « polyphonie » décrite par Ducrot (1984: 104f
et 1986: 233f) permet de comprendre le fonctionnement de justement
dans cette occurrence. Le locuteur, en disant justement
suivi d’un argument, s’opppose à un élément antérieur qu’il
reprend pour l’orienter vers une conclusion inverse. Cet élément
antérieur peut être attribué soit explicitement à un
interlocuteur imaginaire, soit implicitement à un on
anonyme, celui des idées reçues.
Avec justement,
le locuteur va se distancier de ce qui précède. C’est le même
fonctionnement que dans un dialogue, sauf qu’il s’agit ici d’une
mise en scène de plusieurs voix, celle du locuteur étant mise en
relief.
Cet
emploi de justement
comme « inverseur argumentatif » peut être assez bien
distingué du justement
simple marqueur de coïncidence. Le premier, souvent en tête de
phrase, sera suivi d’une pause forte ou à tout le moins, dans un
texte écrit, marqué par une virgule, voire par un point
d’exclamation. De plus, il est marqué par un « pic
mélodique » sur la première et la dernière syllabe :
Justement,
il faut être
citadin pour aimer la campagne.
'Eben
, man muss ein Stadtmensch
sein, um das Leben auf dem Land zu mögen '
ou
'Man muss eben
ein Stadtmensch
sein, um das Leben auf dem Land zu mögen.'
Le
second justement,
celui de marqueur de coïncidence, n’est quasiment jamais suivi
d’une pause et ne se traduira pas par une intonation particulière.
Le justement
de coïncidence occupe de préférence la position du milieu de la
phrase, mais il peut également occuper la position finale voire
initiale :
On
parlait justement
de vous
On
parlait de vous, justement.
Justement,
on parlait de vous.
Wir
sprachen gerade
über Sie (≠
'Wir
sprachen eben über Sie' = emploi temporel (à l’instant))
Justement,
dans ses emplois comme adverbe de phrase, peut servir, comme nous
l’avons vu, comme marqueur de coïncidence ou comme inverseur
argumentatif, mais il peut également servir simplement pour
« embrayer » sur tout autre chose, voire passer du coq à
l’âne.
Partons
des exemples parlants développés par Isabelle Serça :
Tu
viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques. (Oui volontiers),
Justement
je voulais le voir !
Tu
viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques accompagné de sa
femme. (Oh non merci) Justement,
cette nana je la supporte pas.
Tu
viens à ma soirée jeudi ? Il y aura Jacques accompagné de sa
femme. Justement,
(figure-toi) je l’ai croisée, en ville, ... pas seule.
Justement
sert à relier deux argumentations et peut signifier :
- deux argumentations qui vont dans le même sens : justement = oui
- deux argumentations qui vont dans le sens contraire : justement = non
Ces
différences de sens peuvent sembler paradoxales, justement
pouvant signifier selon le contexte oui
aussi bien que non.
Comme
l’a montré Isabelle Serça, elles peuvent s’expliquer par ce que
l’on appelle la « polarité ironique » de justement
(Serça 1996 : 31).
Dans
le premier cas, justement pourrait être rendu en allemand par gerade
ihn
wollte ich sprechen,
concurrencé par genau,
dans le deuxième cas, par ausgerechnet
et
dans le troisième cas, par übrigens
:
Gerade
ihn / genau ihn wollte ich sprechen.
Ausgerechnet
sie, die kann ich nicht ausstehen.
Übrigens,
die habe ich gestern gesehen etc.
Justement
peut aussi parfaitement servir à « embrayer » sur une
réponse pertinente - par simple association d’idées ou autre
« accroche » même fortuite - mais également
fonctionner comme un outil de subversion en forçant un lieu commun
ou en nier l’applicabilité :
Le
plombier: Je vous ai apporté
ma petite facture pour les derniers travaux chez vous. - Justement
à ce propos, je suis un peu juste en ce moment, est-ce que vous
pourriez m’accorder un petit délai de paiement ?
('Eben!
À propos Zahlung: Ich bin im Augenblick etwas knapp bei Kasse.
Könnten Sie mir einen kleinen Zahlungsaufschub gewähren?')
Justement,
dans
son emploi absolu, autrement dit en mot-phrase, que ce soit pour
confirmer la valeur argumentative - éventuellement sur le mode
ironique - du propos d’un interlocuteur, ou pour l’inverser en le
retournant contre lui, ou même comme « outil de subversion »,
ne peut se rendre en allemand que par Eben!:
Pourquoi
tu lui en veux ? Il n’a rien dit. Justement
!
(= S’il avait dit quelque chose, nous n’en serions pas là).
Warum
bist Du ihm böse? Er hat ja nichts gesagt. Eben!
(= Wenn er etwas gesagt
hätte, wären wir nicht in diese Situation geraten).
- Madame,
je vous remercie de votre aimable invitation.
- Mais
je ne vous ai pas du tout invité.
-
Justement !
(C’est bien la raison pour laquelle je le dis.)
- Gnädige
Frau, ich danke Ihnen für Ihre nette Einladung.
- Ich habe Sie aber gar nicht
eingeladen.
-
Eben!
(= Gerade deshalb sag’ ich es ja.)
Ou
bien:
- Comment, tu manges une gaufre?
Mais on va passer à table !
- Et alors ?! Justement !
En
allemand:
- Wie ? Du isst jetzt eine
Waffel ? Wir wollen doch gerade zu Tisch !
-
Und?! Eben
drum!
4
La locution adverbiale au
juste
Pour
clore ce tour d’horizon, il nous reste à voir le cas de au
juste.
D’un
registre plutôt élevé, la locution adverbiale marque
un clivage entre une apparence et une croyance et la réalité. Il
est employé essentiellement dans des
phrases interrogatives ou déclaratives négatives, est de plus en
plus concurrencé par exactement et
se rend en allemand par eigentlich
ou exceptionnellement par genau
lorsqu’il
porte
proprement
sur un aspect quantitatif :
Que
voulez-vous dire au
juste ?
- 'Wie meinen Sie das eigentlich?'
Que
me voulez vous au
juste ?
- 'Was wollen Sie eigentlich?'
A
quelle distance sommes-nous au
juste de …. ?
Par la route je ne saurais vous dire au
juste.
-
'Wie
weit ist es eigentlich
nach……? Auf dem Landweg vermag ich es nicht genau
zu
sagen.'
Finalement
on ne sait jamais quelle tête on a au
juste.
-
'Man weiß doch nie wie man
eigentlich
aussieht.'
5
En guise de conclusion
Voilà
le genre d’élucubrations et de ratiocinations qui auraient
parfaitement pu nous préoccuper Hartmut Kleineidam et moi-même dans
nos longues discussions, moi fournissant, en qualité de
locuteur natif, le matériau brut, lui, en qualité de grammairien et
linguiste, le fondement et l’armature théorique. Dans
le même registre, aurait pu être un sujet de réflexion pour nous
le sens et l’emploi de : en
fait, au fait, de fait, en effet,
effectivement
ou encore la traduction en français de das
heißt
et und
zwar.
Le
vénérable Professor Dr. Hans Wilhelm Klein que j’ai rencontré
une seule fois, avec Hartmut Kleineidam, sur le quai de la gare
d’Aix-la-Chapelle, me confiait en semi-aparté, en parlant de
Hartmut Kleineidam : « Ich
habe noch nie einen Deutschen kennengelernt, der so gut
Französisch spricht ».
Le
fait est que, à une époque, dans les années 70, où l’enseignement
des langues découvrait avec émerveillement la langue parlée - avec
son vocabulaire et sa syntaxe - au point que certains romanistes se
sentaient obligés, cédant à un phénomène de mode, de parler avec
l’accent de Belleville - c’était l’époque ou la banlieue
était encore au singulier - Hartmut Kleineidam a toujours mis, je
pense, un point d’honneur à parler un français d’une
hypercorrection, sans accent, et dépourvue de marqueur, quel qu’il
soit.
Nous
n’en voudrons pour preuve que cette petite anecdote dont je ne
voudrais pas priver le lecteur et sur laquelle je terminerai mes
réflexions:
C’était
au printemps 1978. J’avais invité chez moi quelques amis pour
fêter le doctorat que je venais de décrocher à l’université de
Paris X - Nanterre. Parmi la petite trentaine que nous formions, il y
avait un très vieil ami, un Français, Jean Louis F., aujourd’hui
général à la retraite – dont j’avais fait la connaissance sur
les bancs de la faculté de droit rue d’Assas, puis sur ceux des
classes préparatoires à Saint-Cyr - … et il y avait là aussi
Hartmut Kleineidam.
A
la fin de la soirée, quand tous mes hôtes furent partis, Jean-Louis
F., que nous hébergions, me dit : «J’ai discuté un bon
moment avec un type curieux, intéressant. La petite quarantaine,
quasiment chauve, plutôt sportif et un humour pince-sans rire … »
Tu
vois qui je veux dire ? Mais mon ami poursuivit : « Non
ne me dis rien ! Laisse-moi plutôt deviner ! »
« A
sa façon de s’exprimer, hypercorrecte, un rien recherchée, je
dirais : un pur produit de nos Grandes Ecoles. J’ai du mal à
le situer : Ulm ? ou alors Sciences-Po et l’ENA ?»
Mon
ami Jean-Louis F. qui s’était entretenu, en français, et près de
trois quart d’heures, avec Hartmut Kleineidam, ne s’était à
aucun moment aperçu qu’il avait affaire à un Allemand.
Annexe
Juste,
tout juste, au
juste,
justement
|
Exemples
|
Concurrents
|
Equivalents en
allemand
|
Juste
emploi adverbial
portant sur le verbe
1.
conformément à la
justice ou à la vérité
2.
Conformément à la
réalité, sans erreur
(≠
faux)
3.
Avec justesse,
exactitude, précision, rigueur
Conformément
aux règles de l’harmonie (≠ faux)
Conformément
au naturel, à l’effet recherché
Conformément
à la nature ou à une esthétique
|
juger
juste
penser
juste,
raisonner
juste
calculer
juste, viser juste,
deviner
juste
chanter
juste, jouer juste
jouer
juste (théâtre), un soupir poussé juste
dessiner
juste
|
Avec
équité
comme
il convient
avec
à propos
|
gerecht
folgerichtig
denken,
richtig argumentieren
genau
rechnen, mais aussi : scharf
kalkulieren
notengetreu
singen
mit
Einfühlungsvermögen
spielen
naturgetreu
zeichnen
|
Juste
emploi adverbial
portant sur le prédicat ou sur la préposition
4.
Marque une coïncidence,
une corrélation
en
particulier :
-
dans l’espace
-
dans le temps
|
C’est
juste le contraire.
Il
était assis juste à côté de, devant, derrière moi.
J’habite
juste en face.
La
poste ? Elle est juste au bout de la rue.
Juste
entre les deux yeux
Il
y a (tout) juste 8 jours.
Il
est juste six heures, il est six heures juste.
juste
avant, juste après,
juste
à ce moment
|
précisément,
exactement
exactement
directement
exactement
exactement,
pile (fam.)
|
Es
ist genau / gerade
das Gegenteil.
Er
saß unmittelbar
neben, vor, hinter mir.
Ich
wohne direkt
gegenüber.
Genau
zwischen beiden Augen
Genau
/ gerade
vor einer Woche
Es
ist genau
/ Punkt 6 Uhr
kurz
(da)vor,
kurz
(da)nach,
genau
/ gerade / (just) in
diesem Augenblick
gerade
/ soeben
|
5.
Avec une valeur
restrictive dans le temps
avec
venir de
6.
Avec une valeur
minimisante, dévalorisante
7.
Adverbe d’énonciation fonctionnant comme modalisateur :
« juste »
porte sur l’ensemble du prédicat et non uniquement sur le verbe
ou sur le complément.
C’est
un moyen pour le locuteur de minimiser pour l’interlocuteur la
portée de l’énoncé.
|
Arriver,
commencer, se mettre à, venir de,
Nous
nous mettions juste à table quand….
Il
vient (tout) juste d’arriver/ de partir.
Je
venais (tout) juste d’arriver que ……
avoir
(tout) juste le temps de + infinitif
Je
l’ai eu tout juste, mon train ! (parlé)
L’enfant
apprenait (tout) juste à marcher.
Il
peut (tout) juste se tenir debout.
avoir
(tout) juste de quoi vivre
Il
est (tout) juste bon pour / à (+infinitif)
Ton
café est (tout) juste chaud.
Je
l’ai (tout) juste embrassée sur l’épaule.
Tu
viens ? Je ferme juste les fenêtres
(emploi
temporel)
Qu’est-ce
que tu bois là ? C’est juste de l’eau.
Est-il
alcoolique ? Penses-tu, il boit juste un verre de vin en
mangeant. / Il boit tout juste un verre de vin en mangeant./ C’est
tout juste s’il boit un verre de vin en mangeant.
Elle
a juste dit bonjour.
Elle
a tout juste dit bonjour.
Elle
a juste souri.
Elle
a tout juste souri.
Je
passe juste dire bonjour.
Je
t’appelle juste pour avoir de tes nouvelles.
Je
sors juste acheter des cigarettes.
|
à
peine
de
justesse
à
peine
seulement
ne…que
seulement
simplement
à
peine
simplement
à
peine
|
Gerade
/
Wir
wollten gerade
zu Tisch als …
Er
ist gerade / soeben /
eben angekommen.
gerade/
kaum
gerade
noch Zeit haben
Ich
hab’ meinen Zug gerade
noch gekriegt
Das
Kind lernte gerade erst
laufen.
Er
kann sich gerade (noch)
aufrecht halten.
knapp
das Nötige haben
Er
taugt gerade noch für
/zu
(...)
gerade
noch
nur,
bloß
(Ach ! Ich hab’ sie ja nur auf die Schulter geküsst).
Kommst
du? Ich mach bloß
noch
/ nur noch /
gerade noch
die Fenster zu.
Was
trinkst Du da? Bloß
Wasser.
(…)
Er trinkt nur
ein Glas Wein zum Essen.
Er
trinkt gerade mal
ein Glas Wein zum Essen (wenn überhaupt).
Sie
hat bloß/nur
gegrüßt.
Sie
hat gerade noch
gegrüßt (ambigu).
Sie
hat bloß/ nur
gelächelt.
Sie
hat sich gerade mal
ein Lächeln abgerungen.
Ich
wollte / gerade nur mal
Guten Tag sagen.
Ich
rufe bloß / nur mal
an um zu hören, wie es dir geht.
Ich
hol‘ nur mal/ eben mal ein paar Zigaretten.
|
|
|
|
|
Justement
1.
portant uniquement sur
le verbe
conformément
à la justice / légitimement / équitablement / conformément à
la réalité
2.
adverbe de phrase
particule
de mise en relief, marque une coïncidence, une corrélation :
-
dans le temps : concomitance heureuse ou malheureuse
-
entre une information et une donnée qui convient ou au contraire
qui ne convient pas
|
juger
justement
apprécier,
noter justement (cf. noter juste)
Vous
tombez à pic. J’avais justement à vous parler. On parlait
justement de vous.
Quand
est-ce que tu lui écris ? C’est ce que je suis justement
en train de faire.
Tu
dînes avec nous ? Oui, volontiers, justement je n’avais
rien de prévu ce soir.
Pourquoi
fallait-il qu’il vienne justement
aujourd’hui ?
Tu
dînes avec nous ? Il y aura Jacques. D’accord, justement
je voulais le voir !
Pourquoi
fallait-il que tu épouses justement cet imbécile ?
Justement
à lui il faut le dire (S’il y en a à qui il faut le dire,
c’est à lui !)
S’il
y en a un à qui il ne fallait rien dire, c’est bien (justement)
lui !
|
équitablement
de
manière juste,
à
sa juste valeur
précisément
précisément
précisément
Ça
tombe bien, je voulais précisément le voir.
précisément
|
gerecht
urteilen
gerecht
benoten
gerade
Ich
bin gerade dabei.
gerade
/ genau
gerade
/ ausgerechnet
gerade
gerade
/ genau
gerade
/ ausgerechnet
Cf.
Différence de sens
Gerade
/ genau ihm musstest
Du es sagen ! Gerade
/ ausgerechnet dem
musstest Du es sagen!
|
3.
Justement pour
approuver un propos explicite ou une pensée implicite soit en
confirmant sa valeur argumentative soit en la retournant contre
l’interlocuteur
4.
Justement
pour « embrayer », par association d’idées, sur
autre chose
5.
Justement :
emploi en mot- phrase
|
Justement,
j’allais le dire.
C’est
justement ce que je voulais dire.
Justement,
pourriez-vous m’accorder un délai de paiement ?
Pourquoi
tu lui en veux ? Il n’a rien dit. Justement ! (S’il
avait dit quelque chose, nous n’en serions pas là).
Madame,
je vous remercie de votre aimable invitation. Mais je ne vous ai
pas du tout invité. Justement !
|
précisément,
exactement
précisément,
exactement
à
propos
précisément
précisément
|
Ja,
eben / genau
das wollte ich gerade sagen.
Eben,
/ genau
das habe ich ja gemeint.
Apropos,
übrigens,
Da
fällt mir gerade
ein (fam.)…
Warum
bist Du Ihm böse? Er hat ja nichts gesagt. Eben!
(wenn er etwas gesagt hätte, wären wir nicht in diese Situation
geraten).
Eben!
/ (gerade deshalb sag’ ich es ja!)
|
Au
juste
marque un clivage entre une apparence et une croyance et la
réalité
en
interrogatives
en
déclaratives
|
Que
voulez-vous dire au juste ?
Que
me voulez-vous au juste ?
A
quelle distance sommes-nous au juste de…. ?
Finalement
on ne sait jamais quelle tête on a au juste.
|
exactement
à
la fin
en
définitive
|
Wie
meinen Sie das eigentlich?
Was
wollen Sie eigentlich?
Wie
weit ist es eigentlich
nach …?
Man
weiß doch nie, wie man eigentlich
aussieht.
|
Synthèse
Juste
Justement
portant
sur le verbe
|
genau,
gerecht, -getreu
|
gerecht
|
portant
sur le verbe
|
marqueur
de coïncidence
-
espace
-
temps
valeur
restrictive (dans le temps)
valeur
dévalorisante
|
genau
/ unmittelbar
eben
/ gerade
gerade
(noch)
gerade
noch
|
gerade
gerade
(+)
ausgerechnet
(-)
|
marqueur
de coïncidence
|
modaliateur
-
valeur temporelle
-
minimisation
|
bloß
/ nur / gerade noch
bloß
/ nur mal
|
eben
/ genau
eben
Eben!
|
approbation
inverseur
argumentatif
mot-phrase
|
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14, Presses universitaires de Rennes.
Weydt,
Harald (1969). Abtönungspartikel.
Bad Homburg: Verlag Gehlen.
1Nous
renvoyons, pour la typologie et l’ensemble des exemples, à la
grille figurant en annexe.
2Cf.
la numérotation utilisée dans la grille en annexe.
3A
propos, en
francais aussi bien qu’en allemand,
employé
dans un dialogue, sert à introduire quelque
chose dont le locuteur se souvient subitement, en continuité, mais
le plus souvent en rupture, avec ce qui vient d’être dit.
A propos
sert alors à introduire un élément inopportun et, le plus
souvent, parfaitement hors de propos. Dans une conversation sur la
pluie et le beau temps : A
propos, tu n’oublies pas que tu me dois toujours 500€. 'Apropos
du schuldest mir immer noch 500€'.