De
la grammaire de l’oral professionnel spontané
Gérard
Mercelot (Emden - Leer, Allemagne)
Résumé
Basée
sur les chapitres des manuels de grammaire corédigés par H.-W.
Klein et H. Kleineidam et à partir d’enregistrements
d’interactions authentiques issues du monde du travail, cette
contribution présente certaines caractéristiques grammaticales de
l’oral professionnel spontané, en l’occurrence
technico-commercial. Nous
aborderons d’abord quelques spécificités des parties du discours
telles que les noms, l’emploi des déterminants en prenant
l’exemple des indications temporelles, les
pronoms personnels, la fonction adverbiale, les numéraux, la
phrase interrogative et les prépositions. Ensuite, nous traiterons
du passif et de la négation ainsi que de la syntaxe de la langue
parlée. Enfin,
nous nous interrogerons d’une part sur l’interprétation
pragmatique des énoncés, d’autre part sur la question du format
de l’unité de description.
1 Introduction
Sprechen
und Schreiben sowie verstehendes Hören und Lesen sind besondere
Formen menschlichen Handelns. (Klein & Kleineidam 1985: 7)
C’est
par cette phrase et donc par le verbe substantivé Sprechen
que commence la Französische
Grundgrammatik (1985),
un des manuels que Hartmut Kleineidam a rédigés avec Hans-Wilhelm
Klein. Cette mise en parallèle des deux codes et des quatre
compétences communicatives traduit le dessein des auteurs1
de ne négliger ni la production ni la compréhension orales, parents
pauvres de la plupart des grammaires. Cette volonté se manifestera
tant dans cet ouvrage que dans la Grammatik
des heutigen Französisch
(1983) par de fréquentes remarques sur les particularités de la
langue parlée.
C’est
dans cette continuité que souhaite s’inscrire notre contribution
consacrée à la grammaire de l’oral professionnel spontané. En
nous basant sur les données fournies par des enregistrements ou des
transcriptions d’interactions authentiques issues du monde du
travail, nous présenterons certaines caractéristiques
grammaticales de l’oral professionnel spontané, en l’occurrence
technico-commercial. Après
avoir défini ce que nous entendons par oral
professionnel spontané,
nous exposerons quelques phénomènes relevant de la catégorie des
parties du discours comme le nom, l’emploi des déterminants dans
les indications temporelles, les pronoms
personnels, la fonction adverbiale, les numéraux et les
prépositions. Puis, nous traiterons de la phrase interrogative, du
passif et de la négation ainsi que de la syntaxe de la langue
parlée.
Enfin, nous nous interrogerons d’une part sur l’interprétation
pragmatique des énoncés, d’autre part sur les différentes unités
de description proposées par la linguistique pour appréhender la
langue parlée (phrase, acte de parole, macro-syntaxe). Hormis la
question de l’interprétation pragmatique figurant dans le premier
chapitre de la Grammatik
des heutigen Französisch
et de la Französische
Grundgrammatik,
nous suivrons l’ordre de présentation et reprendrons les
dénominations françaises de ces deux manuels.
Les
exemples illustrant les points de grammaire abordés dans cette
contribution proviennent soit d’extraits de transcriptions
d’interactions authentiques publiés dans les ouvrages de Neu
(2011),
de Thörle (2005) et de Mercelot (2000 et 2006), soit
d’enregistrements réalisés par l’auteur ou mis à sa
disposition par d’autres chercheurs.
2
Définition de l’oral
professionnel spontané
L’oral
professionnel spontané se
réfère à
l’oral
produit lors d’interactions entre professionnels dans l’exercice
de leur fonction. Dans le domaine technico-commercial, les
interactions transcrites dans les publications mentionnées supra
se concrétisent sous la forme de négociations entre donneurs
d’ordres et fournisseurs, de réunions d’équipes dirigeantes
d’un ou de plusieurs sites d’un groupe industriel, de réunions
de maîtrise, de planification et d’équipe de collaborateurs.
Les finalités de ces échanges, en étroite dépendance des
responsabilités assumées par les locuteurs dans leur
entreprise respective, relèvent de l’ordre pragmatique du « dire
pour faire », c’est-à-dire de la création ou de la modification
d’éléments de l’environnement professionnel (prix, délai de
livraison, organisation logistique, etc.), de l’élaboration de
cahiers de charges ou de protocoles d’actions en cas de tests ou de
réclamations ou encore de l’amélioration de la collaboration des
équipes impliquées dans un processus. Cet oral est spontané parce
que les locuteurs prennent la parole sans avoir auparavant préparé
leurs interventions et sans l’aide de support écrit tels que notes
ou diapositives de logiciels de présentation, en communiquant en
face à face, par téléphone ou vidéoconférence.
Une
dernière précision semble nécessaire pour éviter tout malentendu.
L’oral
professionnel spontané
ne constitue pas une langue distincte, mais présente des
singularités par rapport au français écrit standard en raison des
contraintes dues soit au caractère professionnel des interactions,
soit au mode de communication orale, deux domaines peu étudiés et
dont les résultats des recherches sont, par conséquent, peu
répercutés dans les grammaires. Les phénomènes présentés
ci-dessous viennent donc s’ajouter à ceux décrits dans les
manuels ou les préciser, mais ne sauraient les remplacer.
3
Les parties du discours
3.1
Le nom
Premier
représentant de la catégorie des parties du discours, le nom
semble obéir à deux injonctions contradictoires, le principe
d’économie et le besoin de précision. Ainsi, pour satisfaire au
premier, une partie des substantifs se voit tronquée de ses
dernières syllabes selon le procédé de l’apocope :
com(mission),
manip(ulation), visio(conférence)
d’autres
sont constitués d’un sigle (interne à une branche, voire à une
seule entreprise) :
comex (commission
d’expertise)
MOD (main d’œuvre
directe)
rq (réclamation
qualité)
d’autres
encore formés en ne gardant que le dernier constituant d’un
syntagme nominal :
la quatorze (la fiche
n° quatorze)
i s’peut qu’ils
aient que du 2DIN (des pièces conformes à la norme 2DIN)
vous allez avoir du
deux quarante cent soixante (des panneaux publicitaires mesurant deux
mètres quarante sur cent soixante centimètres)
j’vais pas pouvoir
faire 2000 chine ; on l’a
pas en chine (pièces destinées à l’exportation en Chine)
L’exigence
de précision entraîne par contre l’emploi de noms composés
constitués de deux substantifs liés par une préposition :
agent
de maîtrise
constat
de problème
numéro
d’ordre
voire
de trois substantifs et d’une préposition :
problème
de cabine de peinture
Cependant,
même dans le cas des noms composés, le principe d’économie se
maintiendra en jouant sur la simple juxtaposition de deux termes :
approvisionnement
couvercle
constat
problème2
problème
qualité
ou,
comme précédemment, de trois termes :
façade
vide-poches
Ce
mode de formation semble très productif dans la mesure où il peut
aussi se retrouver à l’écrit3
et où d’autres types de lexie
peuvent venir se souder au substantif initial : une séquence
figée
:
prix
plein pot
un
nombre et un nom propre :
prix
quatre-vingt-quatre Paris pour prix valable en 1984 à Paris
des
numéraux :
force
un cinq à deux
pour
force d’une puissance de 1,5 à 2, mesure de la moyenne de passages
quotidiens devant un panneau publicitaire.
Ce
type de construction lexicale par simple juxtaposition, qui pour
Walter
(2001 : 14-15) intensifie un procédé ancien et pour Deulofeu
(2001 : 23-28) représente
au contraire une véritable innovation, peut constituer une
difficulté de compréhension. En effet, l’effacement de
l’articulateur
cache à un allophone ou
à une personne étrangère au domaine le rapport de sens entre les
substantifs. Ainsi une info(rmation)
qualité
n’est pas une information de qualité, selon le modèle d’un
produit de qualité, mais une information concernant la qualité des
produits. De même, un retour
concessionnaire est
une pièce renvoyée par l’intermédiaire et non le retour de ce
dernier, terme à rapprocher de planche
de bord retour.
Le décryptage de tels syntagmes dépendra donc beaucoup moins
d’indices linguistiques que de la connaissance du fonctionnement
du circuit économique.
3.2
Les déterminants
La
présentation
des déterminants,
de
leur morphologie et de leurs différents emplois en catégories
distinctes constitue un chapitre indispensable, un passage obligé,
de tout manuel de grammaire. Or, ce système de description s’adresse
particulièrement aux étudiants en lettres. Les autres apprenants,
non-spécialistes des langues, recherchent par contre les moyens
d’exprimer diverses notions comme le temps ou le lieu, et non une
analyse, aussi rigoureuse et exhaustive soit-elle, de ces parties du
discours. Ainsi, en prenant l’exemple d’indications temporelles
telles que date, durée ou délai, essentielles dans un contexte
professionnel, on constate qu’elles sont dispersées entre les
chapitres des articles, des démonstratifs, du déterminant zéro - à
condition que ce dernier
chapitre existe ou que cette notion figure dans l’index - qu’il
faudrait en outre croiser avec celui des prépositions.
Dans
le chapitre consacré aux articles sont mentionnés les dates
précises avec ou sans jour de semaine correspondant à des
occurrences du corpus telles que :
il
a été fait le (lundi) vingt le programme
le
vendredi matin on nous a dit qu’on était en retard
les
périodes dans le passé ou l’avenir précisées par un adjectif ou
un syntagme :
la
semaine dernière
le
mois passé
la
semaine prochaine
la
semaine d’après
les
moments de la journée d’une date précise, explicite dans le
contexte discursif :
dans
l’après-midi
les
périodes de l’avenir ou du passé à compter de la date de
l’énonciation :
sous
les huit jours
sur
les cinq derniers jours
Dans
la sous-section dédiée aux démonstratifs figurent les moments de
la journée au cours de laquelle l’énonciation a eu lieu :
ce
matin
cet
après-midi
ou
les périodes du passé ou de l’avenir les plus proches de l’acte
d’énonciation :
ce
week-end on m’a programmé 2000 grises
la
position de ces périodes sur l’axe du temps étant plutôt
implicite.
Le
déterminant peut être absent des indications désignant un jour
précis de la semaine, formulation en concurrence avec celle
comprenant l’article défini exposée supra
:
jeudi
on n’a pas fait les gris
ou
un mois avec ou sans préposition
ce
serait mars avril
si
c’est en avril nous on a pratiquement plus d’place
ou
constituant le noyau d’un syntagme nominal :
début
janvier tout début janvier ça devrait marcher
Enfin
les rythmes de production se passent aussi d’un déterminant, mais
peuvent être précédés d’une préposition :
on
en commande 5000 (par) jour ; par semaine
Bien
entendu, ces différents emplois peuvent être répertoriés dans un
index à la fin du manuel, plus ou moins aisé à consulter, mais il
serait souhaitable, surtout dans une perspective didactique
communicative et actionnelle, de s’interroger sur la présentation
adéquate des notions les plus fréquentes dans les pages d’une
grammaire qui se voudrait d’apprentissage4.
3.3
Les pronoms personnels
Deux
particularités systématiquement attestées de l’emploi des
pronoms
personnels
conjoints sujets méritent d’être mentionnées. Devant voyelle, le
u
de la deuxième personne singulier est élidé :
t’as
Sabotier qui expédie tout c’qui est fabriqué
Quant
à la première personne du pluriel, on constate que le pronom
régissant la conjugaison du verbe est on :
on
pourrait étaler nos besoins
Le
nous
n’apparait qu’en renforcement :
nous
on a pratiquement plus d’place
La
seule occurrence de la désinence -ons
précédée du pronom nous
que nous avons relevée dans notre corpus5est
insérée dans une structure que Klein et Kleineidam (1983: 288 et
1985: 105-106) qualifient de mise en relief :
C‘est
nous qui avons joué avec le feu.
Mais,
dans cette construction, le nous
n’appartient pas aux pronoms conjoints, mais à la série des
pronoms disjoints.
A
contrario,
dans des situations de communication orale non spontanée, le pronom
nous
marquera le caractère plus formel de la prise de parole. Ainsi, un
très grand nombre de nous
régissant un verbe tensé :
nous
avons relevé, nous calculons, nous pouvons
à
égalité quasi parfaite avec on
:
on
peut, on enlève, on a dit
figure
dans la transcription d’une séquence établie par Thörle (2005 :
104-149).
Il s’agit en fait d’une présentation monologale, d’une durée
de onze minutes vingt secondes, à l’aide de transparents, des
résultats d’un plan d’expérience par un jeune ingénieur
stagiaire en présence de son chef de service et du directeur du
site.
Quant
aux pronoms disjoints ou toniques, il nous faut remarquer d’une
part que ceux des troisièmes personnes peuvent aussi faire fonction
de sujet dans l’oral professionnel spontané6
:
que
lui contrôle de la même façon qu’lui
d’autre
part qu’ils peuvent aussi s’employer sans cooccurrence avec un
nom ou un autre pronom, comme dans l’exemple suivant :
moi
ça les permanents ont prévenu
(dans
le sens de « en ce qui (me) concerne, quant à (moi) »)7.
Qu’en
est-il de la pronominalisation des entreprises, phénomène
particulier, mais important dans l’oral professionnel ? Dans
l’exemple suivant :
Velkswogan8
hélas il va pas est-ce qu’on peut exiger autre chose d’eux ?
nous
pouvons observer que le locuteur dispose de deux variantes
masculines, le singulier (il)
pour le groupe industriel ou bien le pluriel (eux)
pour les collaborateurs, à moins qu’il n’hésite entre les
deux, faute de norme attestée. Un corpus plus vaste que le nôtre
serait le bienvenu pour approfondir cette question.
Par
rapport aux descriptions grammaticales normatives des pronoms
relatifs, il faut mentionner la concurrence entre dont
et que
comme
le montrent les deux exemples suivants :
parfois
on fait des programmes dont on (n’)a pas besoin
vs.
la
logistique elle a deux choix ou elle engage des pièces que vous avez
pas b’soin ou alors elle engage rien
D’après
Blanche-Benveniste (1990: 72-74),
on
observerait ce phénomène de substitution surtout après avoir
besoin ou
parler.
Il en va de même pour les relatifs dits neutres ce
qui
et ce
que,
fréquemment remplacés par qu’est-ce
qui
ou qu’est-ce
que :
définissez
qu’est-ce qui est bon qu’est-ce qui est pas bon
Parfois,
les deux formes peuvent coexister dans la même intervention9
:
sans
savoir qu’est-ce qu’y a au début d’la chaîne donc i sait pas
trop c’qui passe
ce
qui laisse penser qu’une éventuelle nuance de sens pourrait se
refléter dans ce double emploi.
3.4
La
fonction adverbiale
Dans
le français parlé, la fonction
adverbiale
s’exprime parfois au moyen d’un adjectif, soit dans le cadre
d’une paire adjacente10
:
L1 :
c’est à vos dépens en fait
L2 :
exact (pour : exactement / c’est exact)
soit
au sein d’une intervention, comme dans les occurrences suivantes :
si
on fait trop compliqué
ou
(avec une très brève pause avant l’adjectif):
s’y
avait pas ces histoires-là c’est vous qui passiez / automatique
On
pourrait voir dans ces deux derniers emplois l’influence de ce que
Charaudeau (1992 :46) appelle le français de la langue
publicitaire, journalistique et des slogans, surtout parce que
dans notre dernier exemple, c’est effectivement un professionnel de
la publicité qui s’exprime. Mais comment décrire conformément
aux critères de la grammaire classique une occurrence comme :
le
nombre d’absents que j’ai par semaine global atelier
Bien
que le sens en soit clair (le nombre d’absents que j’ai
globalement par semaine dans l’atelier), pouvons-nous appréhender
global
atelier
comme un syntagme adverbial dont l’origine serait à chercher dans
la langue des différents tableaux de gestion des ressources humaines
internes aux entreprises ? Produite par un apprenant lors d’un
jeu de rôles ou d’une simulation globale, une telle formulation
aurait certainement entraîné quelques remarques, voire corrections
de la part de l’enseignant, mais énoncée par un francophone, elle
interroge la notion de norme(s) et la représentation subjective que
chaque professeur peut en avoir faute d’études sur la langue
parlée établies à partir d’un corpus qualitativement et
quantitativement représentatif.
3.5
Les numéraux
Indispensables
dans les domaines technologiques, économiques et commerciaux,
pour indiquer quantités, degrés, dimensions et autres opérations
mathématiques, les numéraux
se présentent dans toutes leurs variétés. Ainsi, même dans un
corpus aussi restreint que celui à la base de notre contribution, on
trouve d’une part des variantes régionales telles que septante,
huitante
et nonante,
d’autre
part plusieurs modes de verbalisation de la même quantité :
on
a démarré à onze cent cinquante ppm au mois de mars
vs.
mille
cent cinquante
Pour
les nombres décimaux, le principe d’économie incite à
omettre la virgule dans l’énoncé :
force
un cinq à deux au lieu de un virgule cinq
Si
les opérations permettant de donner des indications temporelles
grâce à une soustraction, en logistique ou comptabilité,
s’énoncent classiquement :
j-1,
j-2 ou n-1
les
dimensions s’expriment de la manière la plus concise possible :
quatre
par trois
voire
sans préposition
deux
quarante cent soixante
Enfin,
les fractions et leur verbalisation ne sauraient être négligées :
on
a 7 sur 7 une équipe de caristes qui tournent 24 heures sur 24
3.6
Les prépositions
Dans
le français parlé, parmi toutes les prépositions,
la préposition
sur
connaît, depuis quelques décennies, un emploi inflationniste. Si
une occurrence comme j‘te
réponds sur la fiche
correspond bien au sens traditionnel, on observe aussi la
substitution d’autres prépositions de lieu comme à
ou dans
par sur
devant le substantif ville
ou un nom de ville ou de région :
sur
des villes comme Luxeuil
le
sondage avait laissé apparaître qu’il restait théoriquement 7
000 sacs en stock sur Besançon
je
mettrai en option en 84 sur toute la Franche-Comté
On
trouve également l’acception de portant
sur
:
un
plan d’expérience sur le processus de brasage
et
certains cas de référenciation :
on
était en retard sur le gris
l’affaire
des aérateurs sur la Chine11
Les
autres emplois de cette préposition relèvent de l’expression du
moyen (ex. : sur
coup d’fil)
et surtout des indications temporelles :
une
campagne sur 8412
sur
les cinq derniers jours213
A
part le phénomène d’expansion illustré par la préposition sur,
il faut aussi mentionner les transformations et / ou
figements de syntagmes, créant des néologismes à classer
parmi les prépositions, tels que du
style à
:
quand
on a des problèmes critiques du style à aujourd’hui
ou
genre
:
une
agence qui arrive à couvrir des villes genre Champignol
ce
qui nous manquait c’est d’avoir d’abord une fiche technique
genre liste instructions communes
Tous
ces phénomènes devraient donc faire leur entrée dans une grammaire
d’apprentissage qui tiendrait compte des particularités et de
l’évolution de la langue orale, tant celle des adolescents, futurs
professionnels, que des spécialistes d’aujourd’hui.
4
La phrase interrogative
Le
corpus contient les trois formes d’interrogation : par
intonation:
le
financement, vous faites un prêt ?
avec
est-ce
que:
est-ce
que vous pouvez obtenir une dérogation pour que éventuellement vos
véhicules puissent rouler le treize avril ?
ou
au moyen de l’inversion avec comme
sujet un pronom personnel de la deuxième personne:
comment
voulez-vous gérer?
un
nom propre:
derrière
que fait Sabotier?
ou
un substantif:
Qu’a
fait le fabricant?
Si
les deux premières formes sont caractéristiques de la langue
parlée, l’inversion, plutôt classée parmi les formulations de la
langue écrite, détone dans ce contexte et mérite que l’on se
penche sur son emploi. Situées au sein d’un récit, les
occurrences recensées jouent un rôle d’articulation du discours
et non de demande d’information adressée à autrui. C’est le
locuteur lui-même qui donnera la réponse :
oui
mais regardez les infos elles viennent euh comment voulez-vous gérer
y a des infos qui le vendredi […]
j’suis
d’accord avec toi i faut qu’y ait un respect absolu du programme
par le fabricant d’une part à partir de l’engagement de
Jean-Marie / derrière que fait Sabotier / i fait simplement une
répartition des pièces critiques qui doivent partir […]
y
a une casse sur la presse / qu’a fait le fabricant / eh bien il a
tourné en 2DIN pour m’livrer des pièces en 2DIN mais forcément y
a un surstock aujourd’hui […]
Ainsi
l’interrogation par inversion employée dans la langue parlée
pourrait jouer un rôle rhétorique, permettant au locuteur de poser
la problématique et d’en apporter les éléments de réponse.
5
Les formes de phrase
Conformément
à la terminologie de la Französische
Grundgrammatik
(Klein /
Kleineidam 1985:
101), nous traiterons sous cette dénomination de la voie passive et
des constructions négatives.
5.1
Le passif
Le
discours oral spécialisé ne saurait se passer de la voie passive.
Notre corpus en contient trois constructions:
- la voie passive formée avec l’auxiliaire être :
y
a des pièces qui sont produites en plus
vous
avez déjà été consultés par la chambre de commerce?
- la construction pronominale :
le
problème qui se pose
une
pelle qui s’use, ça se voit
et
enfin,
- le de explétif :
y
avait un sondage de fait par un membre du groupe
y
a eu une décision de prise
y
a rien eu de signalé
Si
les deux premières formations sont traitées dans les ouvrages de
grammaire, il semble que la construction explétive ne soit pas prise
en considération bien qu’il s’agisse dans certains cas d’un
passif manifeste, puisqu’accompagné d’un complément d’agent
(par
un membre du groupe).
Un premier argument permettant de considérer cette structure
comme une alternative au passif a été fourni par Portier-Weber
(1988) qui, dans sa thèse de doctorat, a démontré que le de
explétif équivaut à une proposition relative affirmative du type
qui
+ verbe être.
Sur la base de son corpus constitué d’une centaine d’exemples
authentiques, il serait donc particulièrement intéressant
d’analyser les occurrences dans lesquelles le verbe être
ferait véritablement office d’auxiliaire de formation du passif et
de discriminer les conditions d’emploi de cette structure quand
elle équivaut à la voie passive, comme cela a déjà été établi
pour la forme pronominale (Klein / Kleineidam 1983 : 211-212).
Le critère de discrimination avancé par Portier-Weber serait la
présence d’un participe passé après le de
explétif (fait, pris, signalé), qui permettrait de reconstituer une
construction passive complète (qui a été fait, pris, signalé)
contrairement à un adjectif (une place de libre)314.
5.2
La construction négative
Pour
ce qui est de la formation de la négation,
la particule ne
est peu fréquente dans la langue parlée :
si
jamais j’ai pas ces sacs je suis vraiment dans la panade
Cependant,
les liaisons avec le pronom on
ou tout autre sujet se terminant par un -n
empêche de déterminer la présence ou l’absence d’un ne.
Dans
notre corpus, le ne
se maintient dans des expressions figées telles que ne
quittez pas
pour prier le correspondant, le cas échéant, de rester en ligne
après la prise de contact avec le standard téléphonique. De même,
les occurrences de aucun(e)
comme déterminant du sujet sont suivies du ne :
aucune
agence ne nous a parlé de ça
ce
qui pourrait s’expliquer par le caractère plus littéraire de
cette construction entraînant une plus grande conformité aux
normes. Dans certains cas, il serait possible d’avancer un argument
phonétique comme l’évitement d’un hiatus :
l’info
n’est pas arrivée à eux
mais
cette tendance n’est absolument pas systématique dans le corpus :
définissez
[…] qu’est-ce qui est pas bon
et
ne peut donc servir de règles. Par contre, comme le souligne
Blanche-Benveniste (2010 : 17 et 114), un même locuteur peut
passer de 0% à 100% de ne
de négation. C’est ce qui est également attesté dans notre
corpus, l’exemple suivant ne contenant que des négations
complètes:
le
deuxième dysfonctionnement il est chez vous il chez Vo qui ne
travaille pas comme les autres constructeurs on ne vit pas ça avec
PA on ne vit pas ça avec Re on ne vit pas ça avec To
L’analyse
détaillée de ce passage révèle deux autres aspects qui le
distinguent du reste de l’intervention : un ralentissement du
débit par rapport à la norme individuelle du locuteur et
l’expression d’une critique. Un autre exemple déjà mentionné
ci-dessus (aucune
agence ne nous a parlé de ça) présente
également la même combinaison de phénomènes: débit plus lent,
négation complète et un acte de langage délicat à exprimer, une
sorte de déclaration de bonne foi faisant suite à l’expression
plus ou moins explicite d’un doute. Un débit assez lent
impliquerait éventuellement une formulation plus conforme aux
normes, surtout dans le cas d’actes de langage tels que critiques
ou réfutations d’un doute, pouvant représenter une atteinte à la
face d’autrui ou des déclarations « solennelles »,
telles qu’elles pourraient être prononcées devant un juge. Hasard
ou convergence, les deux exemples cités par Blanche-Benveniste
(2010 : 114) pour illustrer la présence du ne
dans la langue parlée se rapportent également à des thèmes
juridiques : non
la loi n’est pas mal faite
et le
capital n’est pas ouvert au public.
Une analyse d’interactions juridiques spontanées pourrait donc
renforcer ou infirmer cette hypothèse.
6
La syntaxe
Après
avoir abordé séparément quelques caractéristiques des parties du
discours dans l’oral professionnel spontané, nous pouvons
maintenant nous demander quels types d’organisation relient, dans
le domaine de la syntaxe,
ces divers éléments avec un verbe recteur. Blanche-Benveniste (2005
: 55-77) distingue les dispositifs
directs,
les doubles
marquages,
les dispositifs
d’extraction
(Klein et Kleineidam 1988 : 105) regroupent ces deux derniers
procédés sous la dénomination de mise en relief) et les
dispositifs
pseudo-clivés.
Les
dispositifs
directs
se réfèrent aux constructions combinant directement les éléments
que sont les sujets, les verbes et les objets, soit dans l’ordre
S-V-O (ex. : on
a un surstock),
soit en faisant précéder le sujet et le verbe par l’objet qui
peut alors porter un accent d’insistance :
ça
vous chargez pas
telle
référence vous chargez pas
Dénommé
aussi « dislocation
du sujet »
(Blanche-Benveniste 2010 : 13), le procédé de double
marquage
consiste à présenter dans la même unité de sens le sujet ou
l’objet sous la forme d’un substantif et d’un pronom :
elle
est trop complète la palette
une
journée d’avance on l’a pas en Chine
Le
dispositif
d'extraction
permet au moyen de la structure c’est…qui
/ c’est…que
de mettre le sujet ou l’objet en valeur en l’extrayant du
dispositif direct :
c’est
ça qui m’dérange
c’est
un sujet que je voulais aborder
Claire
Blanche-Benveniste décrit le
dispositif pseudo-clivé
ainsi :
La
première partie comporte la formulation verbale, réalisée d’une
façon qui crée une attente : un des éléments régis […]
est réalisé sous une forme non lexicale suspensive, qui laisse
attendre une réalisation ultérieure sous forme de lexique […] ;
entre les deux, le verbe d’équivalence c’est […].
(Blanche-Benveniste 2005 : 62)
En
voici deux exemples issus de notre corpus: c’qui
nous manquait c’est d’avoir d’abord une fiche technique;
c’que j’veux c’est
un estimatif.
7
L’interprétation pragmatique
La
combinaison de parties
du discours conformément aux structures syntaxiques énumérées
ci-dessus ne représente que la surface d’une interaction. Dans les
chapitres d’introduction à la Französische
Grundgrammatik
(Klein & Kleineidam 1988 : 7) et à la Grammatik
des heutigen Französisch (Klein
& Kleineidam 1983 : 11), Klein et Kleineidam exposent la
problématique de la communication
et donc de l’interprétation
pragmatique. Ils y
démontrent qu’une assertion telle que il
y a une fenêtre qui est ouverte
peut, selon la situation, se comprendre comme une prière de fermer
la fenêtre pour éviter un courant d’air, comme une constatation
que l’on est déjà en train d’aérer la pièce ou comme une
proposition de pénétrer dans la maison pour la cambrioler. Cet
exemple montre que les intentions pragmatiques des locuteurs, pour de
nombreuses raisons, ne se coulent pas systématiquement dans le moule
prévu par la description canonique des modes verbaux. Cette question
est d’autant plus essentielle dans le cadre de la vie
professionnelle que les formulations et donc les interprétations
dépendent également d’aspects culturels réglant les relations
entre les individus au sein des entreprises ou des institutions.
Illustrons ce point par trois occurrences extraites de notre corpus :
vous
regardez ?
il
faudrait s’occuper de ça
j’ai
entendu
Grammaticalement,
nous avons affaire à une interrogation et à deux assertions, la
première impersonnelle au conditionnel, la seconde personnelle au
passé composé. Or, à chaque fois, il s’agit d’une injonction
de la part d’un directeur d’usine à un ou plusieurs de ses
collaborateurs, sans recours à l’impératif, que nombre de
grammaires longtemps consultées par les apprenants de français
langue étrangère présentent pourtant comme le mode permettant
d’exprimer un ordre sans autre précision sur la situation ou les
rapports entre locuteur et destinataire415.
Dans le premier cas, il semblerait que la forme interrogative
corresponde à une stratégie culturelle d’évitement d’un ordre
direct tout en n’impliquant dans la réalité aucune possibilité
d’objection ou de refus. Charaudeau (1992 : 582) classe aussi
la forme interrogative, en fonction de l’intonation et du statut du
locuteur, parmi les configurations implicites de l’injonction. La
deuxième occurrence pourrait, en outre, traduire la toute-puissance
du supérieur dans les organisations françaises dans lesquelles ses
désirs sont des ordres et qui, donc, n’aurait pas à s’appuyer
sur un impératif pour les exprimer. D’après nos entretiens avec
des ressortissants allemands entretenant des contacts professionnels
avec des Français, ces deux formes d’injonction (interrogation et
verbe impersonnel au conditionnel) seraient fréquemment à l’origine
de malentendus, parce que comprises à la lettre. La dernière
occurrence, sous la forme d’une constatation ou d’un rappel de la
réalité, intime implicitement l’ordre de clore la discussion. Ces
exemples démontrent l’intérêt crucial d’aborder dans les
grammaires d’apprentissage la question de la pragmatique et donc,
d’une part, de bien préciser les conditions d’emploi des modes
verbaux dans leur sens canonique et, d’autre part, de ménager des
éclairages sur les actes de langage indirects, mais éventuellement
rituels, dans lesquels on risque de retrouver d’autres modes 516.
8
L’unité de description
Les
observations précédentes soulèvent la question de savoir
dans quelle unité de description grammaticale
on pourrait regrouper
les parties du discours et les constructions syntaxiques. Cette
question est essentielle dans une réflexion didactique, car les
différentes propositions de segmentation du flux de la parole vont
influencer les représentations des apprenants, donc leur capacité
et leur stratégie de décryptage et d’interprétation pragmatique
lors d’interactions avec des francophones.
8.1
La phrase
Pour
Klein &
Kleineidam (1988 :
7), le terme de phrase conviendrait aussi bien à la description de
la langue écrite qu’orale :
Cependant
dès que l’on travaille sur des interactions spontanées complètes,
et non sur de brefs segments, la difficulté de découper des unités
qui correspondraient à des phrases grammaticales est
omniprésente. S’il est certes possible d’isoler des segments
qui, sans problème, pourront être considérés comme des phrases
(ex. : est-ce que
vous pouvez patienter ?),
que faire de la séquence suivante : bon
là on a pris la part Essen après y a la part réponse hein que qui
pareil hein ? La
classer parmi les phrases demanderait tout un travail de
« réparation » consistant à prendre l’écrit comme
seul modèle et donc, à effacer toutes les marques d’oralité
considérées comme des scories ou bien de simples fautes relevant de
l’incompétence du locuteur.
8.2
L’acte de langage
Qu’en
est-il de l’acte de
langage comme unité de
description ? Cette notion développée par Austin et Searle
permettrait de rendre compte du sens d’énoncés comme :
est-ce
que Monsieur Gard est là s’il vous plaît?
En
effet, nous avons ici une interrogation, mais qui, en fait, exprime
une prière (comparable à vous
avez l’heure s’il vous plaît?).
Mais les actes de langage, pouvant difficilement être classés en
fonction de critères formels, sont soumis
à une interprétation plus ou moins subjective, et ce même entre
locuteurs natifs. Donc, même si cette notion est particulièrement
opératoire dans une didactique communicative et actionnelle, elle ne
saurait faire office d’unité de description grammaticale. En
outre, dans les interactions authentiques, on rencontre un très
grand nombre de séquences regroupant manifestement plusieurs unités
distinctes que l’on pourrait considérer comme des macro-actes de
langage.
8.3
La macro-syntaxe
C’est
en tenant compte de cette macro-dimension que Blanche-Benveniste
(2005 :113-157) a mis au point un modèle qui semble assez
applicable pour structurer les énoncés en distinguant noyau,
préfixe et suffixe, sans oublier d’éventuelles parenthèses ou
incises. Le noyau est « l’unité
minimale de macro-syntaxe, qui permet de former un énoncé
autonome »
(Blanche-Benveniste 2005: 114). Les éléments placés avant ou après
ce noyau seront dénommés préfixe
ou suffixe
(Blanche-Benveniste
2005: 116). Ainsi la
séquence extraite de notre corpus:
si
c’est en avril nous on (n’)a pratiquement plus de place là je
crois
pourrait
se segmenter comme suit :
Préfixe :
si c’est en avril
Noyau :
nous on (n’)a pratiquement plus de place là
Suffixe :
je crois
Cette
structuration présente un double intérêt. D’une part, elle
permet de rendre compte d’unités « problématiques »,
dans le sens de « difficiles à considérer comme des phrases
correspondant aux normes », telles que:
l‘assortiment
des camions qui c‘est qui donne l‘ordre
Préfixe :
l’assortiment des camions
Noyau :
qui c’est qui donne l’ordre ?
ou
même de l’exemple:
Bon
là on a pris la part Emden après y a la part réponse hein pareil
hein
Préfixe :
bon là on a pris la part Emden
Noyau :
après y a la part réponse hein
Suffixe :
pareil hein.
D’autre
part, elle permet d’aborder les énoncés oraux sans avoir recours
à des notions de manque ou de non-conformité aux normes du code
écrit. Cette structuration n’est pas sans rappeler la distinction
en thème et rhème, abordée dans la Grammatik
des heutigen Französisch
(Klein et Kleineidam 1983 : 282-284), qui, en reflétant tous
les développements d’une interaction, offre nombre de retombées
pour l’enseignement des langues, surtout dans une perspective
professionnelle.
9
Les limites de l’analyse grammaticale de la communication orale
Il
faut cependant être conscient qu’une analyse uniquement basée sur
le matériel verbal ne peut rendre compte de la communication orale.
Il nous faut intégrer les phénomènes paraverbaux, comme nous
l’avons vu supra
avec le débit dans le cas de la négation, et non verbaux comme dans
l’exemple ci-après :
Nous
c’est arrivé et puis les gens maintenant j’sais ce qui s’est
passé hein l’histoire des pièces l’ont ouvert ils ont regardé
ils ont pas trouvé exactement ce qu’y avait (+ sifflement + geste
de la main de droite à gauche).
Le
sifflement et le geste expriment que les pièces en question ont été
mises au rebut. Il est particulièrement intéressant de remarquer
que le système de macro-syntaxe présentée ci-dessus peut aussi
intégrer ces éléments :
Préfixe :
nous c’est arrivé
Noyau (première
partie): et puis les gens
Parenthèse (composée
d’un noyau et d’un suffixe): maintenant
je sais ce qui s’est passé hein l’histoire des pièces.
Noyau (deuxième
partie): l’ont ouvert ils ont regardé ils ont pas trouvé
exactement ce qu’y avait
Suffixe :
sifflement + geste
Ce
recours aux matériels paraverbaux et non verbaux pouvant être, en
fonction des individus et des cultures, plus ou moins important et,
donc nécessaire à la compréhension, il est indispensable de les
intégrer à l’analyse, si le but est de décrire la communication
orale authentique et pas seulement un système linguistique.
10
Conclusion
Existe-t-il
un manuel de grammaire se terminant par une conclusion ? Cela
est certainement rarissime. C’est pourquoi nous voudrions clore
cette contribution, bâtie comme ces manuels, par deux questions.
Pourquoi élaborer une grammaire de l’oral professionnel
spontané et comment en établir la base ?
Pour
quelle(s) raison(s) vouloir décrire le code oral ? L’intérêt
d’une description grammaticale de la langue parlée est de donner
aux professeurs des ouvrages de référence livrant les explications
les plus précises possibles des phénomènes linguistiques fréquents
et aux étudiants des instruments d’apprentissage afin d’améliorer
en premier lieu leur connaissance de ce code et, par conséquent, sa
compréhension. En effet, compte tenu de l’écart important en
français entre l’écrit et l’oral, il s’agit d’éviter aux
apprenants d’être confrontés, lors de leurs premières rencontres
avec des francophones, à des types d’énoncés qu’ils seront
incapables de décrypter, car leurs éléments, leur formulation et
leur pragmatique n’auront jamais été traités dans un cadre
normatif dépassant le caractère individuel de chaque interaction.
La
Grammatik des heutigen
Französisch et la
Französische
Grundgrammatik de Klein
et Kleineidam ont déjà ouvert la voie à une intégration de la
langue parlée dans les manuels de grammaire. Ni les indices
prosodiques, ni les particularités morphosyntaxiques, ni les
interprétations pragmatiques n’y manquent. Renforcer cette
tendance est absolument nécessaire. Les grammairiens se devront donc
de poursuivre cette œuvre en concevant encore plus de passerelles
entre les phénomènes morphologiques et syntaxiques et d‘autres
domaines tels que la prosodie, la pragmatique et le non-verbal,
facettes que l’on ne saurait gommer de la communication sans en
alterner considérablement le sens. De même dans le cadre des
échanges internationaux, il leur faudra également porter une
attention particulière aux différentes variantes francophones tant
dans les champs lexicaux que dans les structures syntaxiques.
Seconde
question : sur quelle base établir ces descriptions
grammaticales de l’oral professionnel spontané? L’élaboration
de manuels de grammaire spécifiques à la langue parlée ou
l’intégration systématique des descriptions des phénomènes
oraux dans un seul ouvrage faisant place aux deux codes, exigent un
travail de recueil de données authentiques, issues du monde du
travail pour l’oral professionnel spontané, afin de constituer un
corpus qualitativement et quantitativement représentatif permettant
d’en dégager des régularités en fonction des fréquences
d’utilisation.
Or,
la constitution d’un tel corpus ne va pas de soi,
tant entreprises et
organisations se montrent réticentes à l’idée de laisser entrer
un linguiste muni de son matériel d’enregistrement. Cela peut
s’expliquer par le caractère confidentiel des documents ou
des entretiens, mais aussi par le manque de visibilité des résultats
de telles recherches. Il importe donc de bien montrer la place et
l’importance de la linguistique dans la société en général et
dans le monde du travail en particulier ainsi que les retombées tant
internes qu’externes de ce type d’enquêtes.
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Wittgenstein,
Ludwig (2000). Wiener
Ausgabe. “The Big Typescript“.
Wien: Springer-Verlag.
1 Ne
m’appartenant pas de juger de l’influence d’un des deux
auteurs sur le contenu des ouvrages quant à la langue parlée,
j’emploierai à chaque fois le pluriel.
2 Les
deux procédés de formation (constat
de problème
ou constat
problème)
peuvent se retrouver dans une même interaction.
3 Ainsi
le syntagme marchés actions,
synonyme de bourse, figure dans La
lettre Assurance de BNP Paribas de
janvier 2014.
4 Voir
entre autres Courtillon (1985: 32-47).
5 Par
contre, la première personne pluriel de l’impératif s’emploie
très souvent pour introduire des hypothèses ou des exemples (ex.:
disons, mettons).
6 Klein
& Kleineidam mentionnent cet emploi soit dans le code écrit
(1983 : 84), soit dans le code écrit et la langue parlée
soutenue (1985 : 35), ce qui n’est pas le cas dans notre
corpus.
7 Blanche-Benveniste (1990: 86) avait déjà fait cette constatation.
8 Le
nom de l’entreprise a été modifié par l’auteur.
9 Intervention
est à comprendre ici dans le sens que lui a donné l’analyse de
conversation : « cette unité est […] produite par un
seul et même locuteur. C’est la contribution d’un locuteur
particulier à un échange particulier » (Kerbrat-Orecchioni
1996 : 37)
10 Egalement
à comprendre dans le sens de l’analyse de conversation :
« la
première intervention sera dite initiative, et la seconde
réactive »
(Kerbrat-Orecchioni 1990 : 236)
11 Il
faut comprendre: les aérateurs destinés à l’exportation vers la
Chine.
12 Il
s’agit d’une campagne prévue pour l’année 1984.
132 Cet
emploi temporel se retrouve aussi dans les courriels professionnels
(ex. : nous avons étudié avec la plus grande attention
comment vous recevoir sur l’une des deux journées que vous nous
proposez).
154 De
La grammaire pratique du
français d’aujourd’hui : langue parlée, langue écrite
(Mauger 1968) à La grammaire
pour tous
(Le nouveau Bescherelle 1984).
165 Cf.
entre autres Kerbrat-Orecchioni (2001).
176Ludwig
Wittgenstein emploie également le terme de Satz pour désigner une
unité de sens : « Kann man denn etwas Anderes als einen
Satz verstehen ? » (Wittgenstein 2000 : 15)